Wilson
7.1
Wilson

Comics de Daniel Clowes (2010)

À mi-chemin entre le récit linéaire et les gags indépendants, Wilson se présente comme une critique acerbe de la société dans ce qu’elle a de plus grossier par le regard cynique et misanthrope du héros éponyme. Si le lien entre chaque page peut parfois paraître flou, on s’accroche finalement assez vite au fil rouge pour ne plus s’intéresser qu’à la chute que propose chaque page. Daniel Clowes, variant les styles graphiques entre le trait pointu et sérieux et la ligne brouillonne volontairement naïve, fonctionne par un système constant, balisant la pensée de son personnage en cinq cases avant de laisser tomber une chute inattendue comme un cheveu sur la soupe, souvent en contradiction avec ce qui a précédé. Si le concept se laisse consommer sans trop de déplaisir lors des premières pages, sa redondance finit par laisser planer un sentiment d’incomplétude, comme si Clowes n’avait pas grand-chose de plus que la nuance à son avantage.


Et du même coup, l’humour noir déployé par l’auteur en pâtit. Loin de tomber systématiquement à l’eau, le côté très premier degré de cette manière de faire ne réduit le point de vue de Wilson qu’à un cynisme à tendance gauchiste mou du genou et artificiel. En fait le systématisme dudit concept est assez méta : Clowes semble lui-même affirmer le caractère vain de cette effronterie, qui ne sert qu’à contrebalancer un enthousiasme et un positivisme de façade. À ce moment-là, puisque la boucle se boucle inévitablement, le procédé lui-même apparaît dans toute sa superfluité. Les quelques pages durant lesquelles Wilson daigne laisser son insolence s’exprimer équilibrent la balance, mais la chute dans ce cas y apparaît d’autant plus superficielle qu’elle ne fait que conforter une opinion déjà prononcée assez clairement.


Wilson, même s’il assume pleinement son caractère d’antihéros asocial et méprisant envers n’importe qui à part lui-même et son chien (intransigeant avec son père, grossier envers son ex-femme malgré le passé douloureux de celle-ci, ignoble à l’égard de son ancienne belle-famille et bien pire dès qu’il s’adresse à des inconnus), demeure avant tout un humain cherchant sa place dans le monde, le sens de sa vie. Daniel Clowes retranscrit un portrait en demi-teinte de M. Tout-le-Monde, car n’ayant pas sa langue dans sa poche malgré un fond que finalement nous partageons avec lui. Son babillage verbeux n’en demeure pas moins assez creux et dérisoire par moments. Entre violence cynique et tendresse humaniste, Wilson ne manque pas tous ses objectifs mais les traite avec une certaine froideur qui ne lui seyait guère.

Aldorus
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le 14 avr. 2019

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