Le véritable ennemi, ce n'est pas Spectre, c'est le public. La pression aura en effet finalement eu raison du cycle Daniel Craig : finis le *reboot* et les prises de risques, fini le travail de refonte en profondeur du personnage de *Skyfall*. Spectre signe le retour à la normale de la licence 007. De l'ultra-classique pour de l'ultra-décevant. Coup de gueule : ce n'est pas forcément dans les vieux pots qu'on fait les meilleures confitures, et ce choix fait figure de régression alors même que Daniel Craig avait fait entrer l'agent britannique dans le vingt-et-unième siècle.
Du Sam Mendes en petite forme.
La déception tient à plusieurs critères, et le premier d'entre eux est sans doute la panne manifeste d'inspiration du talentueux Sam Mendes. Depuis le triomphe d'un Skyfall qu'il a réussi à façonner en chef-d'oeuvre dramatique, on dirait que le réalisateur de American Beauty s'est perdu en route. De lui, on ne retrouve que l'excellent plan-séquence d'ouverture qui a le mérite de l'immersivité, puis le générique d'intro (sublime, comme toujours). Ensuite, c'est terminé : à croire qu'un yes man certes efficace mais sans saveur a pris sa place après la première demie-heure. Après Skyfall, une telle perte de niveau ne pouvait qu'être remarquée.
Fausses bonnes idées et failles scénaristiques.
Le scénario est indubitablement mal construit, que ce soit en terme de rythme, de cohérence scénaristique ou même d'idées d'intrigues. La promesse était grande avec l'organisation Spectre, dont les tentacules terrifiantes se déploient dans le générique d'intro, connectant les anciens ennemis entre eux. Oui, Spectre tire les ficelles depuis le début. Soit, mais l'explication du pourquoi du comment est très décevante, et fait flop.
Pareil pour la personnification de Spectre à travers le grand méchant Franz Oberhauser (Christoph Waltz) qui, s'il est bien construit au début, s'essouffle vite et peine à trouver une dimension vraiment satisfaisante (ce qui est grandement du au choix d'en faire un nouveau Blofeld, clin d’œil artificiel et vain).
Et ceci n'est que la partie la plus flagrante de la nébuleuse d'idées ratées ou de sous-exploitations d'éléments (que dire de Dave Bautista, littéralement éjecté du film en milieu de visionnage alors que son personnage était bon, ou de la performance profondément inutile de Monica Belluci) que comprend Spectre.
Un adieu mollasson.
Au final, si c'était bien les adieux de Craig à la saga et au rôle qui l'a définitivement révélé au grand public depuis 10 ans, c'est très décevant. Parce que le film n'est pas un bon jubilé, parce que sa fin n'est pas satisfaisante. Parce que les attentes étaient trop grandes et la barre de l'après-Skyfall trop haute pour se contenter d'en revenir à des fondamentaux aussi basiques, que les piètres tentatives de se raccrocher aux branches d'un fan-service grossier ne rendent que plus visibles.
Est-ce à dire que c'est un mauvais film ? Non, force est de concéder que c'est un blockbuster efficace, qui remplit son cahier des charges, divertit comme il se doit de le faire. Bref, comme tous les James Bond.
Mais après Skyfall, on ne veut plus d'un James Bond normal ou dans la moyenne...
A ce stade, le salut porte peut-être le nom d'Idris Elba. Haters gonna hate.