James Bond n'est pas Batman ; autrement dit, James Bond n'a pas besoin d'un cinéaste talentueux pour lui offrir une épaisseur psychologique ici inutile. Et Sam Mendes est définitivement bien plus doué pour creuser la psyché torturée de ses personnages que pour filmer des scènes d'action réussies.
Bon, tout n'est pas à jeter, je l'avoue : une course-poursuite dans les rues de Rome et, surtout, une ouverture mexicaine de toute beauté, dans un faux plan-séquence admirable. Oui sauf que ce plan-séquence est à l'image du film : un bon début qui part comme un pet dès que Mendes est contraint de respecter le cahier des charges. Et les charges ratées, il y en a : des décors cartes postales vus et revus (marre de la montagne perso), des scènes d'action absurdes (l'explosion, affreuse, de la base au Maroc) et les Bond girls toutes plus inutiles les unes que les autres (quid de Bellucci ?), avec mention spéciale à l'insupportable Léa Seydoux, dont l'arrogance "so frenchy" en excitera peut-être plus d'un mais pas moi. Et tant qu'on est dans le casting, quelle honte de forcer Christopher Waltz à faire du Waltz et, surtout, quel scandale de laisser Craig montrer à quel point il s'en bat les nouilles d'être là. Que l'acteur soit lassé de son personnage, admettons, mais sont-ce là les meilleures prises faites au tournage, vraiment ?
Mais là où Mendes se fourvoie (avec la complicité de trois scénaristes dont John Logan quand même), c'est en essayant de donner une dimension tragique à la relation Bond-Oberhauser qui tombe à plat. Bond est une icône car monolithique, une image d'Epinal de l'espion britannique à la fois létal et séducteur, raffiné et dangereux. Bond est fascinant car il n'est pas humain : invincible, immortel, à la jeunesse presque éternelle, il incarne une idée avant d'incarner une réalité quelconque, que ce soit pendant la Guerre froide ou aujourd'hui. Bond s'est construit sur un modèle plastique pendant plus de 20 films, et vouloir changer cela était déjà un échec dans Skyfall. Et pas ce frère meurtri qui passe son temps à baiser la veuve et l'orpheline.
Si je comprends aisément la volonté de vouloir revenir aux sources du personnage (prenant paradoxalement ses distances avec la machine à tuer de Casino Royale), il faut quand même reconnaître que c'est un relatif échec, surtout face à une concurrence qui s'en est mieux sortie par le passé (Jason Bourne, malgré la qualité très relative des films). On verra ce que donnera la nouvelle génération à venir.