Tout repose sur le mouvement, nous sommes embarqués, pris à la gorge pendant deux heures trente ; un vent de liberté souffle, un vent teinté d'une pesanteur dramatique et politique. Vent artificiel, substitut à la respiration, remède à la pensée personnelle et à l'opinion contraire. 120 battements par minute est une cloison, et comme toute cloison il sépare, enferme et empêche le débat de s’installer alors qu’il passe son temps à débattre. Les actions ne sont jamais remises en question, les personnages se confortent mutuellement dans ces actions et s’érigent au rang de martyrs sanglants. Le problème n’est pas Act-Up, encore moins la réalité du SIDA que le cinéma contemporain d’ailleurs ne délaisse guère (The Dallas Buyers Club ou Philadephia pour n’en citer que deux parmi les meilleurs). Le problème réside dans la posture adoptée par le film, cette posture de « si t’es pas d’accord t’es homophobe ». Il s’agit d’une œuvre extrêmement violente qui puise sans cesse dans le fond de révolte présent en chacun de nous, révolte à l’encontre des exactions et des injustices pour un droit aussi fondamental que la santé. Les scènes intimistes, elles, sont réussies, nous font ressentir le quotidien éprouvant des personnes contaminées, jusqu’à ce que l’exubérance prenne le pas sur la retenue ; mais l’exubérance comme mode de vie n’est pas un souci, nous n’avons pas à en juger tant qu’elle ne nous est pas imposée. L’humain (et la sensibilité qui en découle) dans 120 battements par minute est aussi bouleversant que révoltant, saisi dans ses contradictions, dans sa volonté aveugle d’agir coûte que coûte comme ultime sursaut avant le noir complet. Mais le film se sert de l’urgence – l’urgence qu’impose une fin de vie imminente – pour légitimer les actes de nos protagonistes, pour fouler au pied les pouvoirs publics forcément corrompus et pourris, pour exacerber l’hypocrisie des laboratoires et de la médecine. Du réalisme, bienvenue dans la démagogie, dans la croyance idéologique infondée. Ce qu’on oublie alors, c’est les responsabilités qui pèsent sur nos chercheurs, c’est la volonté de ne pas vendre un faux-espoir. Mais tout cela est tu, bien entendu. Tout comme la zone de parole et de dialogue qui devrait s’établir entre le film et le spectateur. Le public est contraint d’adhérer, ou tenu à l’écart. 120 battements par minute donne l’illusion de défendre la liberté et la vie pour, finalement, ne défendre que ses thèses de la manière la plus arbitraire qui soit. Un film sur la tolérance intolérante que je ne trouve pas tolérable.