Parlons en directement, l’artifice étant l’originalité même de ce film de guerre : 1917 est tourné en (faux) plan-séquence. Autrement dit, il donne l’illusion au spectateur d’avoir été tourné en une seule prise, sans coupes. Le réalisateur avait déjà ouvert son récent 007 Spectre, dernier épisode de la saga James Bond, avec un procédé similaire sur une scène d’environ 5 minutes. Cette fois, l’intégralité du film utilise ce procédé. Efficace ? Certainement. Il permet une immersion totale au cœur des tranchées et de la guerre avec les deux protagonistes. Le spectateur est comme un troisième homme au milieu des lignes ennemies. En déjouant les codes de la temporalité du film de guerre (à l’instar du récent Dunkerque de Christopher Nolan), il permet aussi d’installer dans cette course contre la montre une tension palpable, renforcée par les successions de scènes de guerre et de périple dans des no man’s land désertique, dévasté par les combats. Oppressant de bout en bout.
Comme Alejandro Inarritu avec Birdman (2014), Mendes a le sens du spectacle. Chaque plan, renforcé par une BO épique, est prétexte à doper l’adrénaline du spectateur. Notons la virtuosité de la photographie et l’alternance des ambiances au sein du long-métrage : de l’enfer bien terre à terre des tranchées, suit une certaine vision de l’Enfer, dans un combat nocturne dans un village en ruine et en flammes. Brillant.
Derrière la maestria de l’auteur, on regrette cependant que 1917 ne soit pas plus profond dans son propos : si la quête de deux soldats est visuelle et la forme vidéoludique, semblable à différents niveaux d’un jeu où les guest-star apparaissent dans des cinématiques courtes, le fond est mis à mal. Ce qu’est la guerre, ce qu’elle implique pour les soldats, l’héroïsme, le dépassement de soi, sont autant de thématiques qui auraient pu être plus développées mais n’apparaissent finalement qu’en surface. Un film d’émotion pure plus que de réflexion, donc.