Oui, 1917 est une prouesse technique éblouissante et un geste de réalisateur aussi maîtrisé que virtuose. Sam Mendes y filme en quasi temps réel une mission de sauvetage dans le camp anglais au cœur du bourbier de la première guerre mondiale. Le résultat est impressionnant, indéniablement immersif et haletant.
Tout juste peut-on remarquer une coupe visible le temps d’un évanouissement du héros pour laisser passer la nuit. Ce sera le seul moment du film où l’on ne suit pas minute par minute le personnage principal. Cette petite pirouette permet surtout à Mendes d’enchainer les plans entre le crépuscule et l’aube alors que Schofield traverse un village éventré par la férocité des combats, un squelette urbain flamboyant éclairé à la flamme des canons et par de brasiers fumants.
Une scène qui symbolise l’accord parfait entre la mise en scène de Mendes et la splendide photographie de Roger Deakins (Blade Runner 2046, Sicario, Skyfall …), qui élève le travail du réalisateur, tout comme l’imposante bande originale de Thomas Newman.
La mise en scène de Mendes se caractérise par cette volonté permanente de capter l’urgence de cette mission, la menace létale des combats et les conséquences dramatiques de son échec potentiel à travers un seul et unique plan séquence apparent. Peu importe qu’il triche un peu, ça ne se voit pas et l’effet est sidérant. La caméra ne lâche par conséquent jamais Schofield et nous non plus, tenus en haleine et plongés dans l’horreur crasse de la guerre et le chaos comme rarement (jamais) depuis Il faut sauver le soldat Ryan.
On aurait pu penser que la forme écraserait le fond, mais ce serait mal connaître Mendes.
C’est certes viscéral, ultra réaliste mais le cinéaste ne dévie pas de sa réputation de fin observateur de l’humain. Bien aidé par l’interprétation fiévreuse et le regard terrifié de George MacKay, jeune acteur peu connu mais déjà brillant dans Pride ou Captain Fantastic, il introduit du cœur au milieu de la monstruosité de la première guerre mondial.
Un chef d’œuvre formelle, une œuvre brillante dans sa réalisation et touchante dans ce qu’elle dit sur la survie, la fraternité et le courage. Le film à voir de ce début d’année.

Thibault_du_Verne
8

Cet utilisateur l'a également mis dans ses coups de cœur et l'a ajouté à sa liste Top Films 2020

Créée

le 26 janv. 2020

Critique lue 205 fois

Critique lue 205 fois

D'autres avis sur 1917

1917
EricDebarnot
5

Le travelling de Kapo (slight return), et autres considérations...

Il y a longtemps que les questions morales liées à la pratique de l'Art Cinématographique, chères à Bazin ou à Rivette, ont été passées par pertes et profits par l'industrie du divertissement qui...

le 15 janv. 2020

190 j'aime

104

1917
guyness
5

Fier Mendes (dans le nord de la) France

Certains films souffrent de leur intention. Surtout quand cette intention est mise en exergue par leur promotion. Impossible alors de ne voir que le résultat sans juger l’œuvre à l'aune de ce qui...

le 15 mars 2020

150 j'aime

20

1917
Halifax
9

Course contre la mort

France, 1917, une prairie. Première respiration et premier mouvement de caméra. A partir de maintenant et pendant presque 2h, cette caméra ne s’arrêtera plus de tourner, de monter, de descendre,...

le 8 janv. 2020

97 j'aime

7

Du même critique

Ma Loute
Thibault_du_Verne
3

MA LOUTE – 6/20

Autant le dire d’emblée, Ma Loute m’est passé complétement au-dessus. Comédie burlesque, voir grotesque, empreinte d’une excentricité peu commune, le film de Bruno Dumont est si singulier qu’il ne...

le 23 mai 2016

42 j'aime

7

The Strangers
Thibault_du_Verne
4

THE STRANGERS – 8/20

Le mélange des genres est un exercice assez courant dans le cinéma sud-coréen (on se rappelle de l’ovni The Host de Joon-ho Bong), ce n’est pas ce qui étonne le plus à propos de The Strangers. On ne...

le 27 juil. 2016

38 j'aime

En attendant Bojangles
Thibault_du_Verne
6

Cinéma | EN ATTENDANT BOJANGLES – 13/20

Tombé sous le charme de cette fantasque histoire d’amour à la lecture du roman d’Olivier Bourdeaut, j’étais curieux de découvrir quelle adaptation Regis Roinsard allait en tirer, lui qui a prouvé...

le 22 janv. 2022

26 j'aime