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L’impression est sans doute subjective, mais il est rare (et l’histoire ne dira pas le contraire) de réussir à donner une suite de qualité au cinéma à une série à succès – à plus forte raison si cette dernière a été baptisée « culte” dès sa sortie. The Hangover, Starsky et Hutch ou Anchorman en ont fait la démonstration, plus ou moins (mal)heureuse. Tenter de reproduire à l’identique la recette d’un succès original peut évidemment porter ses fruits au box-office; mais le résultat créatif laisse souvent à désirer. On pouvait alors naturellement douter de 22 Jump Street, suite du reboot de la série culte des années 1980. On pouvait même s’interroger sur la capacité de ses réalisateurs à surprendre le public une deuxième fois.

Dès son introduction, 22 Jump Street expose son intention artistique. Le film s’ouvre sur un “previously on”, emprunté au langage sériel, rappelant l’histoire du précédent épisode des aventures des deux flics amis-amis, avant de plonger le spectateur dans une délirante parodie de cinéma d’action à la sauce Michael Bay. En dix minutes, ce second volet fait comprendre qu’il ne souhaite pas exister comme une œuvre unique, ni comme le produit d’une réflexion originale : il vaut pour hommage, un hommage porté par le regard attendri de deux réalisateurs, comme des gosses à l’idée de tisser sur la toile leurs citations personnelles. Un regard dépourvu de cynisme, guidé par la joie évidente portée par leur projet. Dès son démarrage, le film est un éternel détournement, une remise en scène des grands clichés du cinéma d’entertainment américain ponctuée de clins d’œil adressés au cinéma de John Woo ou de Zach Snyder, des buddy movies des années 80 aux comédies romantiques contemporaines. Mix improbable mais vrai. Complètement conscient de l’absurdité de sa situation – la suite d’un reboot d’une série culte des années 80, presque une ineptie -, 22 Jump Street passe 110 minutes à se moquer de lui-même, et de ses références. Une approche qui en fait l’une des comédies les plus folles et les plus sincères de ces dernières années, mais qui a aussi ses propres limites.

A force de tout référencer, 22 Jump Street semble passer la moitié de son temps à excuser sa propre existence. Une posture de dérision parfois hilarante, comme lors de l’incroyable monologue de Nick Offerman sur les raisons de la création et le maintien du programme « Jump Street », allégorie du film lui-même, mais une posture qui tend également à s’essouffler à mesure que le film progresse. Car elle souligne de fait une forme de faiblesse (ou paresse) narrative. C’est comme si personne ne souhaitait réellement assumer le résultat final, comme si personne ne défendait véritablement le parti-pris. Cette difficulté à s’assumer est d’ailleurs évoquée à maintes reprises par les personnages du film. Heureusement, le dynamisme de 21 Jump Street reste, lui, intact, tenu dans l’ensemble par l’extraordinaire cohésion du duo Jonah Hill / Channing Tatum, l’attraction majeure de ce long-métrage.


S’ils se sont vus chacun offrir de grands rôles ces dernières années au cinéma, que ce soit chez Scorsese ou chez Soderbergh, les deux acteurs forment ici une sacré paire comique. Un duo si efficace qu’il frôle l’évidence. Une complicité géniale qui fait des étincelles à l’écran et qui classe le film dans la catégorie comédie « bromantique », pour oser le néologisme. En plongeant Hill, le flic talentueux mais froussard, et Tatum, le casse-cou gentiment idiot, dans le milieu universitaire, 22 Jump Street confronte les deux personnage à leur maturité (qu’ils n’ont pas toujours), réfléchissant même sur le type de relation musclées qu’ils entretiennent. Le film prend, ainsi, un malin plaisir à jouer des codes de la romance (tête à tête, déclarations et révélations sur une plage, etc.), renforçant encore un peu plus de cette façon l’humour et le second degré de chaque situation. Un bon point mais parfois appuyé un peu lourdement.

Si 22 Jump Street est donc une grande partie de déconnade sur grand écran, déconnade portée par deux acteurs de taille, ce second volet reste parfois lourd dans son écriture, trop léger dans sa narration et son scénario, usant à tout va de l’effet de surprise (ce qui est un peu fatiguant à la longue). En dépit de ses limites, 22 Jump Street reste l’une des comédies d’action les plus hilarantes du moment. Et malgré la légère déception causée par le résultat final, on peut se permettre d’attendre avec impatience les nombreuses et absurdes suites.
Warden
6
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le 4 sept. 2014

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Warden

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