Knives Out (Rian Johnson, U.S.A, 2018, 2h10)

Voici une œuvre faussement originale, usurpant son intelligence apparente à tout un pan de la littérature policière du XXème siècle. En semblant de paraître originale ‘’Knives Out’’ n’est rien d’autre qu’un archétype d’œuvre se croyant plus maline qu‘elle ne l’est, enchainant sans génie les poncifs éculés d’un genre hyper codifié, dont le dépoussiérage s’annonce une tâche des plus ardues.


Et ce n’est pas la démarche surannée et embarrassante de Rian Johnson qui va y changer quelque chose. Ce Cluedo cinématographique de 2h10 (c’est long) n’a absolument rien à raconter, et comble la vacuité de son ensemble par une tentative de successions de révélations, sous formes de twist éventés dès le départ. La nature bien trop stéréotypée des protagonistes, fait que ce n’est jamais surprenant. Et qui, en prêtant attention aux détails, se révèle d’une pauvreté d’écriture confondante, que peine à cacher une ambiance se voulant décalée.


La présentation des personnages est faite de telle manière, qu’ils correspondent tous à des conventions faciles et bien trop familières. Les faux-semblants, qui font habituellement le suc du genre, sont tellement appuyés qu’il devient très facile de savoir qui est coupables, qui est innocents, qui a quelque chose à se reprocher, et qui a la conscience tranquille.


La mise en scène maniérée au possible vient camoufler une misère de contenu, en essayant vainement de mettre en place une ambiance se voulant mystérieuse et baroque. Alimentée par les décors, et les diverses personnalités, qui peinent à instiguer un suspense haletant. Favorisant l’installation d’un ennui poli, dans un premier temps, puis fatiguant dans la seconde partie du métrage.


Pour quiconque a déjà joué au Cluedo, vu ‘’Clue’’, l’excellente adaptation du jeu en 1986 par Jonathan Lynn, lu Agatha Christie ou les meilleurs thriller d’Harlan Coben (que ‘Knives Out’’ cite très implicitement) et bien il ne faut attendre aucune surprise. Donc aucun plaisir. Il en va de même si vous avez apprécié l’excellent ‘’Indentity’’ de James Mangold en 2003, qui parvenait pour le coup à réinventer un genre ultra codifié.


En définitif, Rian Johnson ne fait qu’associer les poncifs les plus apparents les uns avec les autres. Sans génie ni audace, par le biais d’une afféterie arrogante, ne servant que de cache misère. Visuellement assez laid, bien que la photographie des séquences nocturnes reflète une profondeur d’un noir abyssale, les cadrages grossiers rappellent plus le téléfilm de luxe, semblables à ceux diffusés sur M6 en temps de vacances de Noël.


Malgré son casting All Star : Daniel Craig, Chris Evans, Jamie Lee Curtis, Don Johnson, Christopher Plummer, Frank Oz, Tonie Colette, Michael Shannon… Le plaisir de retrouver tous ces acteurs géniaux, au milieu de ce marasme cinématographique, est une frustration supplémentaire qui freine l’envie de se plonger pleinement dans cette aventure inintéressante, sans surprise et sans suspens. Pourtant Rian Johnson profite de son propos pour véhiculer un message politique, mais une fois n’est pas coutume, c’est complètement raté et hors sujet.


C’était pourtant là l’un des intérêts principaux du récit, axé sur Marta, une jeune aide-soignante interprété par Ana de Armas, une immigrée ayant obtenu la nationalité américaine grâce à son travail. Il réside au cœur du personnage des problématiques inhérentes à notre temps, comme la place des femmes dans la société, Marta est sans arrêt infantilisée, mais aussi le rapport à l’étranger. La famille pour laquelle elle travail passe son temps à dire qu’elle est des leurs, mais en même temps rappelle sans cesse sa nature de migrante.


Et c’est sans doute là l’intérêt principal du métrage, qui vient tordre le cou à une Amérique conservatrice, schizophrène a l’absurde, dont les propos sont en oppositions avec les actes. Tout cela réside dans le personnage de Marta, par le biais d’un axe est exploité avec la dextérité d’un tennisman sans bras.


À l’instar de son ‘’The Last Jedi’’, Rian Johnson essaye de donner une dimension politique à son œuvre, ce qui est en soit fortement intéressant, et pourrait permettre d’enrichir le contenu, si ça ne tapait pas systématiquement à côté de la plaque. Car au lieu de servir et alimenter le récit, c’est sans cesse retiré du corps de l’ensemble, évoluant en parallèle du déroulé de l’action. Jamais la forme ne se complète avec le fond, résultant d’un ensemble manquant d’homogénéité.


L’exagération des artifices témoignent de l’absence d’un naturel, qui saute aux yeux par le biais de la prestation modique de Daniel Craig. Il incarne le détectrice Benoit Blanc, un personnage atypique, détective privé illustre, vendu comme tel. Sauf que tout est fait pour persuader le spectateur de son génie. Dans sa façon même de parler, par l’entremise de monologues verbeux et stylisés à l’excès, il n’est pas montré comme un type illustre.


Ce sont les différents personnages, les coupables potentiels qui passent leur temps à dire ce qu’il est, précédé par sa réputation. Toute la mise en scène autour de lui essaye ainsi de le présenter comme ce type un peu décalé, hyper intelligent et peu conventionnel. Sauf que ça ne marche absolument pas. Puisqu’il n’est en fin de compte qu’un cliché supplémentaire, quand la prestation de Daniel Craig, n’est qu’un fadasse copier/coller du Benedict Cumberbatch de ‘’Sherlock’’.


À aucun moment il n’est convaincant dans les fringue de Benoit Blanc, dont le nom même indique à quel point tout ce film n’est que de l’esbroufe. Il en va de même pour les autres comédiens qui essayent tant bien que mal de camper comme il le peuvent les clichés ambulants que son leurs personnages. Ceci reflète une flagrante fainéantise d’écriture des plus alarmante, surtout venant d’une production d’un tel acabits.


Je suis conscient que mon point de vue est minoritaire, alors que le film a rencontré un succès critique ET public retentissant, et qu’une suite est déjà en cours d’écriture. Mais en toute modestie et objectivité, ce film ne m’a pas fait chaud, mais m’a rendu très froid. Avec cette impression que l’intelligence des spectateurices était insulté à chaque séquence. Étant parvenu à percer à jour les différents twists assez tôt. Non pas par un sens tenant du devin, mais uniquement par la manière dont sont écrits, présentés et mis en scène les personnages.


Pourtant friand de ce genre d’ambiance, cette œuvre m’a dérangée. Il lui manque peut-être une dimension métamoderniste, qui lui aurait permis de devenir une réflexion sur le genre qu’il représente. Car au final, le métrage ressemble juste à un épisode correct de ‘’L’Inspecteur Barnaby’’, et n’est qu’une resucée bien pâlotte des ‘’Dix Petits Nègres’’ et de toutes les œuvres influencés par ce roman matricielle du récit mystérieux, aujourd’hui connu comme ‘’thriller’’.


De mon point de vue, et ça ne regarde que moi, ‘’Knives Out’’ est un échec qui démontre une fois de plus à quel point Rian Johnson est un cinéaste surcoté et surestimé. Et en ce qui me concerne je file me refaire ‘’Bounty Hunter’s Convention’’ le seizième épisode de ‘’Brisco County’’, série de 1993, qui en 45 minutes avait mieux saisi les tenants et aboutissants du suspens, dans une déclinaison parfaite de ‘’whodunit’’ que cette arnaque bien tristoune qu’est ‘’Knive Out’’ et ses 2h10 d’un ennuye sans fond.


-Stork._

Peeping_Stork
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le 30 mars 2020

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