Adoration est à ce point conscient de tout, de ses effets de style, de ses mouvements de caméra, de son cadrage volontairement mal cadré, qu’il ne touche jamais l’inconscient du geste pur, tant recherché, impossible à obtenir, ne pouvant être qu’une quête. Là se tient la confusion à l’origine même de l’échec du film : le réalisateur pense qu’une approche « artisanale » du cinéma – terme qu’aime employer Fabrice du Welz dans ses interviews – équivaut forcément à se raccorder à quelque chose d’ancestral, de premier voire de primitif, oubliant au passage qu’il est l’héritier d’un certain nombre d’outils et de savoir-faire dont il ne saurait se soulager.
On retrouve, devant Adoration, une impression similaire à celle que peut dégager le mythe du bon sauvage pour un lecteur d’aujourd’hui : une fiction, fausse par définition, qui se considère comme vraie, non plus du point de vue de ses faits, mais du point de vue de sa forme. Et il faut bien reconnaître que le long métrage s’avère fort laid, hideux par instants, porté par une caméra tremblotante censée mimer l’instabilité, alors que le spectateur se demande si le projectionniste n’est pas en train de saboter sa séance. On pense à des films, à beaucoup de films : à La Nuit de Chasseur de Charles Laughton (1955), aux Amants Criminels de François Ozon (1999), aux Géants de Bouli Lanners (2011). On oubliera Adoration, petit conte faussement naïf qui se sert de l’errance comme d’un prétexte à une démonstration de forme théorique et stérile.