Astérix - Le Domaine des Dieux par critikapab
On avait laissé, en 2012, un Astérix (alors campé par Edouard Baer) usé, approximatif et affreusement laid dans Au service de Sa Majesté. Deux ans plus tard, la nouvelle adaptation des aventures du célèbre gaulois a de quoi surprendre : exit la prise de vue réelle et Gerard Depardieu, place à Alexandre Astier et au CGI 3D.
D’abord, on est surpris : que viennent donc faire là ces joutes verbales, cette ironie diabolique et ces références à la culture pop si caractéristiques du créateur de Kaamelott ? Un célèbre jingle info d’RTL, une vanne grinçante ou une allusion hilarante au regroupement familial suffisent à rendre les adultes réjouis et les enfants déconfits. Cet Astérix-là ne serait-il donc le fruit que d’une pure intention d’auteur, négligeant totalement le divertissement familial qu’il prétend être ? Un temps, on le croit. Sincèrement.
Sauf que, sans doute rattrapé par la nécessité de conquérir son « grand public » pour rentabiliser son budget colossal (30 millions, tout de même) ; le film se retrouve pris en étau entre cette inspiration WTF et ces gags destinés aux plus jeunes (d’ailleurs pas toujours réussis, au vu des réactions qu’elles suscitent) dont on sent bien qu’ils sont amenés sous la contrainte. Le propos sur la mondialisation et cette société gauloise qui se « capitalise » est alors balayé, expédié, et renvoie plus à l’anecdotique qu’au polémique.
Heureusement, la géniale réalisation, le subtil montage mais surtout l’hallucinant rythme imposé par le duo Astier-Clichy (animateur français, issu de Pixar) rendent la dualité contradictoire un brin plus dissimulée. Le mouvement, le trait et le texte des albums de Goscinny et d’Uderzo sont parfaitement respectés, tout autant qu’ils servent seulement de structure au sein de laquelle les deux hommes apposent leur marque. Car ici, il s’agira tout autant des anachronismes originaux de la bande dessinée (« Je vous ai compris ») que de cet humour phrasé extraordinaire, Franck Pitiot réussissant même à caser un « C’est pas faux » qui réjouira les fans de première heure de la série parodique. Un rendu si terrible qu’une séquence de simulation de potion magique (très réussie) (par)vient à être aussi drôle que l’ensemble des running gags, celui sur Hercule notamment.
Pour autant, à aucun moment l’on assistera à une gigantesque effusion collective, et il sera globalement plus question de sourire que de rire ; ce même avec la présence de ce casting XXL réunissant à peu près tous les acteurs français du moment (de Chabat à Nakache en passant par Foresti), en plus de l’illustre Roger Carel, qui prête ici sa voix à Astérix pour la dernière fois. Le design, tout en rondeur, et les plans, tout en symboliques, confinent au divin et confirment le talent des français pour l’animation (Obélix en King-Kong, ça n’a pas de prix), malgré un effet 3D assez limité.
Visuellement, Astérix – Le Domaine des Dieux est impeccable, mais c’est lorsque l’on regarde d’un peu plus près son ectoplasme que l’on s’aperçoit que le film hésite entre l’original et l’ordinaire, et ne parvient jamais à marier parfaitement les deux. Là où Astérix et Obélix : Mission Cléopâtre trouvait une formidable alchimie entre deux univers comiques pas si proches (Les Nuls et la BD d’origine), ce Domaine des Dieux demeure bien trop sage pour être pleinement savouré.