L’atout d’Astier, en plus du comique intelligent, c’est la carte de la famille, car il travaille en tribu, et sa force est de donner l’impression au public qu’il fait partie de cette famille élargie. Le premier plaisir de son premier Astérix était donc celui des retrouvailles, plus précisément avec les voix de Kaamelott, mais même si Alexandre avait tout du digne héritier à l’égal de Chabat, ce plaisir était aussi le principal. Car il était simple pour lui de bien faire et de commencer par faire la rupture avec les dessins animés multi-diffusés, dont ressortent seulement Cléopâtre et les douze travaux ou parfois les Vikings, mais l’originalité polymorphe qui était devenue sa marque manquait, et la faute ne pouvait être entièrement rejetée sur un album au demeurant secondaire. Aujourd’hui, la rupture s’annonce plus forte encore, car le scénario est original et Roger Carel est parti, mais il s’agit aussi d’une opération commerciale, comme le prouve le nombre de produits dérivés du film, qui vont des autocollants aux fèves en passant par le roman pour enfants.
Il n’y pas d’Astérix correctement dressé sans une bonne garniture de sangliers, et comme Astier a tout compris, il a compris ça aussi, mais en manière d’annonce ou de symbole, il leur donne un rôle inédit auprès des druides. Par-delà le bien et le mal des gags, du reste franchement bien, il y a surtout une construction scénaristique qui les inclut en les amenant, et qui ne laisse aucune piste inexplorée, d’où ces poules qui picorent dans la potion, et trouvent leur utilité plus tard mais au bon moment. Débarrassé des contraintes de l’adaptation mais familier de l’univers, Alexandre s’autorise pourtant à ne pas résoudre tout à fait son argument, qui rappelle Le coup du menhir puisqu’il s’agit de la succession de Panoramix, alors qu’il a introduit une digne héritière dès le départ, comme il s’autorise à quitter deux fois la 3D désormais imposée, en l’occurrence pour un flash-back crayonné et une ellipse cartographique. Avec son méchant qui pose la grande question sur la potion, en demandant pourquoi elle est réservée à quelques timbrés, ses gags rythmiques en début et fin de film, qui sont écrits sur la musique, et ses trouvailles qui lui permettent de faire la synthèse du moderne et de l’ancien, il fait surtout sien ce qui ne l’était pas, et parvient à inventer comme seuls étaient capables des Goscinny.
Pour public averti (et qui peut bien s’offrir un dessin animé de temps en temps, surtout qu’il faut bien tester avant de tout raconter aux enfants) : Astérix : Le secret de la potion magique (2018) d’Alexandre Astier et Louis Clichy (mon dernier est moins connu que mon premier, mais l’est tout de même pour avoir travaillé sur Wall·E et Up), avec les voix de Christian Clavier (qui fait le lien avec la Mission Cléopâtre, et c’est tant mieux) et Alex Lutz (qui ne fait pas le lien avec son Fantasio, et c’est tant mieux aussi)
Avis publié pour la première fois sur AstéroFulgure