Un film qui se disperse trop mais qui reste divertissant et intéressant

Un film qui se disperse trop mais qui reste divertissant et intéressant

La suite directe de Man of Steel, l’introduction de Batman et de Wonder Woman, l’arrivée de l’antagoniste Lex Luthor, le premier cross over entre Batman et Superman au cinéma, le teasing de la Justice League à venir... trop de choses à faire en un seul film ? Bien évidemment, c’était plié dès le départ et le film génère beaucoup trop d’attentes et ne peut être totalement réussi de par ses ambitions de la même manière qu’un X-Men Apocalypse mais voyons tout de même s’il s’en est si mal sorti que ça avec son matériau. Ayant vu le film dans ses deux versions, cinéma et longue, je reviendrai ici et là sur leurs différences plutôt que de faire deux critiques séparées.

Le personnage de Superman hérité de Man of Steel n’a pas connu une grande évolution, toujours piégé dans « aides ton prochain » et « tends l’autre joue, » sans cesse accablé injustement et pourtant si héroïque dans ses intentions comme dans ses actes entre deux doutes vites évacués jusqu’à la fin ultra prévisible, moi ça ne me parle pas trop mais ça ne veut pas dire que c’est mal fait. Je trouve par exemple très réussi la scène en version longue où il sauve plein de monde pendant que des débats s’enchaînent sur le sens de son existence et de ses actions permettant de souligner les questions qu’il soulève.

Et j’ai bien aimé sa relation amoureuse avec Lois qui elle évolue bien en étant utile au récit de par son enquête de journaliste plus poussée dans l’ultimate cut. Le passage en Afrique la mettant en scène est également rallongée dans cette version et elle fait comprendre que le gouvernement américain a des raisons personnelles d’en vouloir à Superman pour avoir fait foirer une opération de la CIA et ça donne plus de sens au fait qu’il y a un acharnement contre lui. Ça résorbe une incohérence et un raccourci scénaristique gênant de la version cinéma.

S’il fallait néanmoins émettre une préférence pour les deux têtes d’affiche mon choix est sans équivoque, l’introduction mélancolique très efficace sur le passé de Bruce trahit son côté sombre et violent qui me plaît beaucoup plus, presque introduit comme un antagoniste d’ailleurs. Son évolution est un peu trop brutale dans le récit, elle aurait vraiment gagné à être plus justifiée, mais à part ça j’ai beaucoup aimé le personnage, y compris l’interprétation de Ben Affleck qui le muscle bien comme il faut en le rendant très brut et direct dans son armure lourde et ses gadgets / instruments de torture. Moi ça me va même si je comprends tout à fait qu’on puisse préférer d’autres interprétations.

Jeremy Irons en Albert est tout simplement délectable de cynisme et de lucidité, il reste assez secondaire mais c’est le personnage qui le veut. Le problème de tout ce petit Gotham c’est qu’il méritait un film à lui tout seul pour être correctement introduit avant et non pendant ce cross-over puis après. Une intrigue durant laquelle on aurait eu tout le temps d’appréhender le nouveau Batman, quelques personnages secondaires attachants introduits pour donner sens à leur disparition dans l’intro de ce film, un face à face avec un méchant emblématique contre lequel Batman a une chance de jouer un rôle décisif et quelques clins d’œil pour montrer qu’on est bien dans le même univers que Man of Steel, c’était si compliqué que ça ?

Pour Lex Luthor, encore une fois la version extended cut corrige un problème le concernant en augmentant ses manipulations pour monter Batman et Superman l’un contre l’autre, ce qui au passage fournit un peu plus de raisons à leur fameux combat, afin de mieux justifier ce qui en fait un antagoniste redoutable. Il est peut-être un peu trop inspiré d’un Joker qui aurait fusionné avec Lex Luthor mais l’acteur l’incarne bien et après tout pourquoi pas ? Je comprends qu’on puisse regretter l’éloignement du personnage original mais c’est un reboot et c’est assumé, donc pour moi ça passe.

Les sous-intrigues introduisant la Justice League ne sont pas du tout inintéressantes mais elles n’ont pas leur place dans un film aussi chargé, surtout de la manière dont elles sont traitées, de façon très énigmatique, un parti pris parfaitement défendable mais certainement pas dans un film qui est déjà débordé pour justifier les motivations de ces personnages principaux et inédits trop nombreux. Ce sont ces scènes-là qu’on aurait du couper au montage à la limite s’il avait vraiment fallu en couper, après tout elles sont destinées aux fans de DC qui doivent prendre plaisir à voir leurs héros favoris annoncés pour la suite, pas être dépités de les voir surcharger une intrigue déjà trop dispersée.

Ça se ressent également avec Wonder Woman qui a un impact dans le récit beaucoup trop peu justifié, à la limite elle aurait du simplement être montrée sur une scène sans qu’on sache ce qu’elle est, comme les personnages, et on la retrouverait plus tard et seulement plus tard dans un autre film qui lui est dédié et ça offrirait un petit degré de relecture à la scène de ce Batman V Superman qui l’aurait simplement intégré à l’univers. La catapulter à la fin pour combattre Doomsday sans que personne ne comprenne ce qu’elle fout ici c’était très maladroit, parce qu’il n’y avait pas le temps de la développer comme il faut. Sinon, comme je le suggérais pour Batman il aurait fallu placé le film Wonder Woman avant Batman V Superman.

Sur la forme, bien entendu la réalisation de Zack Snyder est très efficace avec des scènes d’actions longues et impressionnantes tout en ne donnant pas dans la redite vis-à-vis de Man of Steel, la musique est encore meilleure à mon sens, j’adore le thème Beautiful Lie, on retrouve des mélodies de Man of Steel jouées différemment pour mieux coller à certaines scènes... C’est un très bon film de super-héros sur ce point-là tout particulièrement même pour les standards de ces dernières années qui ont explosé sous l’impulsion du Marvel Cinematic Universe.

Si on occulte la version cinéma qui a autant de légitimité à exister que celle de Kingdom of Heaven, Batman V Superman s’en tire très honorablement avec son potentiel de base aussi énorme qu’handicapé par tout ce que les producteurs en ont exigé. Ces défauts sont criants et très dommageables, c’est ce qui l’empêche d’être un bon film à mes yeux, mais ça aurait pu être bien pire et ça le sera avec la suite de DC Universe qui attaquera le cas Suicide Squad, qui m’a bien fait relativisé l’échec de ce film-là.