Un film de super-héros aussi mal foutu que malhonnête

Ce n’est que récemment que j’ai connu le travail de David Ayer en tant que réalisateur sur Fury que j’avais bien aimé, le voir sur un film DC annoncé plus comique et moins sérieux que Man of Steel ou Batman V Superman qui échouaient tous deux dans ce registre-là pour différentes raisons me paraissait intéressant sur le papier. Et puis le film est sorti, sans en attendre une grande expérience cinématographique j’avais parié sur un film de super-héros divertissant et bah non, mais c’est bien plus grave que ça (aussi grave que la situation puisse l’être en parlant d’une adaptation cinématographique de comics).

Inutile de faire durer un suspense qui n’en est pas un : Suicide Squad est à la hauteur de sa mauvaise réputation et je dirais même qu’il est l’un des pires films de super-héros sortis ces dernières années. C’est un mec qui a trouvé pas si mal Les 4 Fantastiques de Josh Trank qui vous le dit. Parce que lui avait clairement de bonnes intentions en amont qui ne se sont pas bien concrétisé à la fin mais il essayait et même dans sa version finale on peut en tirer quelque-chose d’intéressant, ce n’est pas le cas de Suicide Squad.

La promesse de voir de vrais méchants en personnages principaux n’a jamais été tenue, dès les premiers instants on voit des bas guys qui se défendent face à des geôliers qui ont l’air aussi mauvais qu’eux, on a plein d’éléments qui les humanisent très vite comme Deadshot et sa famille... Toute la campagne promotionnelle sur le côté révolutionnaire de faire un film avec que des méchants est mensongère, ce sont des méchants à la base dans d’autres films, comics... que l’on présente comme cool à tout prix, même le plus grotesque, et pas si méchants que ça. Ça peut même être des pacifistes repentis depuis un moment pour El Diablo. Tout ça n’amène qu’à des héros très classiques en réalité.

Les raisons de départ pour monter la Suicide Squad sont complètement incohérentes de bout en bout. Faire de l’enchanteresse une arme qui a été utilisé à des fins personnelles par le gouvernement, qui s’est rebellée et en réponse et en désespoir de cause trouver de vraies raisons pour constituer la Suicide Squad avec des membres qui ont une chance face à elle, dans un univers où on aurait jamais introduit des super-héros classiques, ça aurait pu avoir un peu de sens si on est gentil. Et encore.

Avoir dans l’idée, avec l’accord du gouvernement qui plus est, de mêler une telle puissance surnaturelle (celle de l’enchanteresse) à celle d’une timbrée munie d’une batte de base-ball et d’un expert du boomerang pour contrer une hypothétique menace future dont on a aucune idée de la nature, ça n’a pas de sens. C’est pourtant le prétexte scénaristique de base du film, tout découle de ce postulat, qui en devient nul au bout de 20 minutes parce que beaucoup trop incohérent, j’ai pas su passer outre ce problème.

Ce qui m’énerve dans tout ça c’est que j’ai l’impression que l’enchanteresse, que je ne connaissais pas avant le film, a un potentiel incroyable en tant que personnage, une femme ordinaire tout à fait charmante et une sorcière avec des pouvoirs super cools qui doivent partager un même corps. Le film en a fait un antagoniste caractérisé par puissance et malveillance sans quasiment aucune nuance ou subtilité, un personnage peu connu et potentiellement intéressant devient un simple faire-valoir pour l’héroïsme hors-sujet d’une équipe d’enfoirés dont la moitié a le charisme d’une moule pour couronner le tout.

On a aussi des problèmes repris de Batman V Superman comme des personnages normalement importants qui nécessitent un traitement long et de qualité ici simplement catapultés à l’arrache sans un réel impact sur le récit ou un temps de présence à l’écran suffisamment long pour que leur potentiel soit exploité. C’est notamment le cas bien sûr de Joker qui sert plus à expliquer, assez mal par ailleurs, la folie d’Harley Queen. Déjà que succéder à Hearth Ledger pour interpréter le Joker tout en introduisant pour la première fois Harley Queen au cinéma c’était casse-gueule, alors le faire avec autant de différences vite fait dans un film médiocre...

Par ailleurs, l’intégration du film dans le nouveau DC Universe est plutôt maladroite, alors que c’était sans doute la partie la plus facile à faire. On parle de Superman qui montre à l’humanité qu’elle n’est plus maître de son destin parce que c’était un thème important dans les précédents films même si dans ce Suicide Squad ça n’a pas d’importance. On montre Flash alors qu’on l’a introduit de façon beaucoup trop énigmatique dans Batman V Superman pour le voir ici comme un personnage lambda de l’univers. On met en place une intrigue qui risque de foutre en l’air le monde entier sans que Batman ou Wonder Woman déjà introduits dans la saga ne réagissent. Ce sont des écueils stupides qui auraient été si simplement évité.

Je reconnais que l’humour marche une fois de temps en temps, j’ai bien aimé par exemple la réplique « ça c’est de la killer App » pour parler d’une détonation provoquée par téléphone, ça n’a même pas été gardé dans la VF, mais le film en balance tellement que c’est normal que ça finisse par marcher accidentellement et pour y arriver on doit aussi se taper des blagues à base de vomie qui sent pas bon, de caca de rat glissé dans la nourriture... Et tout ce ton décalé très présent dans le film laisse parfois place à de très gros drames qui en conséquence tombent à plat, comme la tragique histoire d’El Diablo qui arrive avec tellement de retard, de nul part, juste avant et après une blague pas drôle qu’elle paraît aussi intéressante que pas à sa place.

Les scènes d’action sont loin d’être irréprochables pour sauver le truc, avec des effets de mise en scène dignes de parodies bas de gamme tellement c’est du déjà-vu, des incohérences stupides comme Harley qui est plus décisive dans une baston avec sa batte qu’une escouade de soldats d’élite, une surenchère dans les ennemis à base d’un amas d’effets visuels numériques réussis mais assez quelconques, des Deus Ex Machina d’un cliché pas possible... L’oscar pour les costumes et les maquillages qu’a reçu le film m’est parfaitement incompréhensible, il n’y a que le design de l’enchanteresse dans le premier tiers du film qui pourrait le justifier, cet oscar montre plus le manque de crédibilité de la récompense qu’une quelconque force du film.

Un point positif s’il fallait en trouver un coûte que coûte ce serait quelques acteurs qui se sont investi dans leur rôle qui finalement leur allait bien, notamment Will Smith et Margot Robbie qui sont clairement les têtes d’affiche. Mais le script est trop naze pour qu’on puisse en profiter comme il le faudrait et on est à un tel niveau de médiocrité pour tout le reste que c’est plus suffisant pour compenser, surtout quand ça ne concerne que quelques personnages et que c’est pas si remarquable que ça, c’est juste passable.

Suicide Squad n’est pas un film moyen à qui il manque quelque chose pour être bon, voire très bon, comme ses prédécesseurs, il est un très mauvais film qui au passage ruine plein de choses qui auraient pu être bons dans d’autres films. Quoique fasse DC à l’avenir, je prends le risque d’affirmer qu’ils ne feront pas pire et tout le nouvel univers qu’ils essaient de mettre en place, avec déjà pas mal de difficultés, en souffrira. Heureusement, le prochain film du DCU se détache complètement de ce film et réussit l’exploit de le faire presque oublier.