Jusqu'où irez vous pour chercher la perfection ?
Selon les dires mêmes du réalisateur Darren Aronofsky, « Black Swan » constituerait un diptyque avec son dernier film « The Wrestler ». Les deux films suivraient de façon différente l'évolution intime d'un personnage tiraillé mais décidé, à percer dans un univers où la compétition fait rage. . Pourtant la façon de considérer le scénario par le réalisateur est audacieuse. Le film ne veut pas seulement considérer la compétition qui fait rage dans le monde du ballet, en montrant les supplices que s'infligent les danseuses. Aronofsky nous entraîne dans une relecture fantastique du classique « Lac des cygnes » de Tchaïkovski. C'est avant tout la dualité du personnage de la vedette du ballet, qui doit tour à tour incarner deux extrêmes, le cygne blanc timide et naïf puis le manipulateur cygne noir qui fera tout pour le pervertir dans le conte, qui l'intéresse. Dans ce sens, le cygne blanc d'Aronofsky est une vraie réussite. Le réalisateur s'est entouré d'acteurs qui subliment réellement les personnages. Natalie Portman est bluffante,entièrement adonnée à son art. L'actrice , Natalie Portman , incarne avec beaucoup de justesse cette ballerine épuisée, tant par ses marathons de répétition que par une mère désaxée. Sa rivale, Lily ( Mila Kunis ) , s'en sort avec brio. Totalement à l'opposé des faiblesses de Nina l'héroïne, elle en devient vénéneuse, en s'accaparant une place de plus en plus importante dans la compagnie. Et surtout en brillant aux yeux du chorégraphe. La méconnue Mila Kunis fait des merveilles. Son accent mielleux anglais et sa sensualité déstabilisent totalement Nina mais encore bien plus le spectateur. Là où il devient périlleux de suivre la réalisateur, c'est quand il entame son cycle du cygne noir. On retrouve dans le grain de pellicule, dans les effets sonores stridents, ce qui a fait le fer de ces précédents films (notamment Requiem For a Dream). ,L'angoisse devient alors totale . La bande son de Clint Mansell (encore) nous plonge plus profondément dans la névrose dans laquelle sombre le personnage principal, pour parfaire son rôle de cygne noir. Mais cette dérive psychologique est éprouvante. Pas sûr que les spectateurs tiennent le coup jusqu'au bout, tant visuellement, l'esthétique du film devient malsaine, au plus haut point de la folie de Nina. C'est là ce qu'on peut sûrement reprocher au film d'Aronofsky. Son obsession à vouloir marquer, voire traumatiser. On se souvient de cette scène surréaliste de « The Fountain » où le héros étouffe de la prolifération d'un arbre de l'intérieur. Les excès d'hallucinations paraîtront là grotesques à certains ou trop choquants pour être réalistes. Mais chez le cinéaste, l'émotion passe par la surcharge de fantastique. Finalement, Darren Aronofsky pouvait, par ce film, s'ouvrir les portes d'Hollywood. Le final grandiose, de loin moment le plus réussi du film, nous en convainc. Mais le réalisateur n'aime pas les compromis et coule peut être son film pour la critique, en allant jusqu'au bout de ses représentations extrêmes de la schizophrénie de Nina.