Avec Black Swan, Aronofsky signe peut-être son film le plus bizarre (ce qui n'est pas peu dire !), une espèce de fourre-tout halluciné et hallucinant dans lequel se rencontrent pèle-mêle les influences de Cronenberg (pour la mutation horrifique), de Lynch (pour le cauchemar éveillé), de De Palma (pour le voyeurisme et la tension sexuelle), de Cassavetes (pour le drame psychologique filmé sur le vif), de Polanski (pour l'intrusion du fantastique dans la réalité et les vertiges de la folie) et du cinéma expressionniste allemand (pour le symbolisme appuyé).
Ce melting-pot donne un film étrange, déstabilisant et inégal, qui dans un premier temps passerait pour un remake arty de JF partagerait appartement (le scénario et certaines scènes, comme celle de la masturbation, rappellent vraiment ce film, la première partie n'est pas passionnante, les plans et objets symboliques sont trop lourds et trop nombreux...), pour finir par trouver un rythme et une intensité assez exceptionnels.
Alors qu'il montre un ballet, le film se transforme progressivement en opéra monstrueux (superbement mis en musique par Clint Mansell et bourré d'effets spéciaux saisissants), fascinant et effrayant, à l'image de son héroïne, dont il épouse finalement le parcours physique et psychologique, passant d'une volonté de réussite désincarnée à l'apothéose d'une perfection hystérique.
Au niveau de mon vécu de spectateur, la scène d'ouverture m'a fait monter chair de poule et larmes aux yeux, le cœur du récit m'a par moments ennuyé, et son dernier acte m'a littéralement sonné, comme seuls en sont capables les très grands films.