Déjà, c'est un concept : laisser les acteurs vieillir à leur rythme pour saisir leur évolution en temps réel. Du coup, on se retrouve au plus près de la vie, même si tout est très écrit, notamment des transitions parfois difficilement perceptibles autrement que par le changement d'une coupe de cheveux. Ensuite, il y a une distribution vraiment attachante, parents et enfants confondus. Un père un peu fantasque, à maturation tardive. Une mère progressivement endurcie par les galères qu'elle a traversées. Et deux enfants aussi vrais que nature, puisqu'ils étaient enfants en début de tournage et jeunes adultes à la fin, douze ans plus tard. Comment le réalisateur à dû se ronger les sangs à la moindre rougeole ! Enfin, il y a les États-Unis d'Amérique, cette nation si proche et à la fois si étrange. On les regarde vivre depuis des décennies, on les connaît comme si on les avait faits, et pourtant, ils ne nous ressemblent pas vraiment. Et c'est fascinant aussi. J'ai toujours été frappée par la relation souvent caustique entre les jeunes enfants et leurs parents là-bas, cette sorte d'inversion des rôles un peu vacharde qu'on ne tolèrerait jamais chez nous; et finalement, c'est l'adolescence, ce grand trouble, qui vient mettre de l'ordre dans tout ça. En fait, ça se tient, le temps fait son œuvre, inutile de brusquer les choses. Ici, on théorise bien plus, peut-être trop. Enfin bref, ce film qui déroule tranquillement ses années fastes et ses années creuses pose sereinement les bonnes questions et donne l'occasion d'examiner des concepts aussi complexes que le temps, la maturité, la famille, les sentiments vrais, le folklore social, la place de l'enseignement par rapport à celle de la transmission... Une excellente surprise, donc.