La déchéance des 90's : un monument de lieux communs.

Boyhood aurait pu s'intituler en traduction française La philosophie de vie pour les nuls ou encore La niaiserie en 10 leçons tant le film réussit l'exploit de mêler deux genres insupportables que sont le film contemplatif et le développement personnel bourgeois. Le film bénéficie d'une réputation absolument formidable, et tout à chacun chante les louanges de ce qui serait un chef-d'oeuvre magistral, voire un des plus grands films du XXIème siècle. Pourtant, si le film est original dans sa conception, puisque le réalisateur Richard Linklater suit une même famille pendant douze ans, son contenu, et même sa forme, n'ont rien d'exceptionnel, et sont même l'exaltation de poncifs vus et revus, de formules toutes faites sur la nostalgie, sur le moment, et de manières absolument peu audacieuses de filmer la croissance et l'éducation d'un être humain. Le film est même à dire vrai plutôt mauvais. Si au départ, il est agréable par une bande-son feel-good, une ambiance vintage qui évoque les films de notre enfance, des références douces et gentilles, le film se transforme très vite en cauchemar. Outre l'adaptation sonore française qui est une catastrophe, voire même un naufrage, le jeu des acteurs empire au fur et à mesure que le scénario devient gênant de nullité, et que le discours devient ridicule, comme si le film s'était aseptisé, et abêti (comme le personnage avec le temps). D'une certaine manière, le film représente la génération des années 90 : un collectifs d'individus sacrifiés à la consommation et absolument vides de toute raison d'être, et a fortiori selon Linklater d'intelligence, à un point tel que le personnage principal est le résultat paroxystique d'un ensemble de carences mentales fascinantes.


L'adolescence est pour tous les artistes un véritable écueil, du à l'exigence de regarder un phénomène en quittant son point de vue d'adulte, en se fondant dans un langage, des coutumes et des systèmes de valeur. Linklater tombe malheureusement dans les travers en nous dépeignant une adolescence absolument pitoyable, ridicule, absolument pas crédible, plongeant le spectateur dans un livre de Zep qui expliquerait aux enfants de onze ans de quelle manière on fait les bébés, comment on sort d'un chagrin d'amour et comment aborder la sexualité. Les jeunes adolescents, puis universitaires, que nous montre Richard Lanklater sont des êtres si médiocres, si stupides et si bêtas qu'ils nous font presque honte, et évoquent des êtres odorants, faisant écho à tous les clichés possibles sur l'adolescence, et surtout qui ne représentent absolument pas cette génération des années 90, restée coincée entre les grands mouvements de jeunesse des années 70 et la crise des années 2000. Lanklater semble calquer sa propre adolescence sur celles de jeunes hommes qui n'ont rien à voir avec son époque, à l'aide d'une forme de néant cinématographique presque effrayant, qui conduit à penser que l'homme n'a rien compris de ce qu'il filmait. Je ne sais si c'est moi qui aie mal vécu mon adolescence, ou si c'est effectivement ce film qui est une catastrophe conformiste et adulte, mais Boyhood me fait l'effet d'une tentative vaine d'une grande personne pour comprendre une génération qui lui a échappé. Même si le film a des qualités esthétiques parfois, il passe vite dans les mémoires, il n'en reste rien, tout simplement parce que non seulement il ne dit rien, mais aussi parce qu'il n'est finalement rien. Une grand grand vide.

PaulStaes
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le 29 juil. 2018

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Paul Staes

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