Après Glass, Rambo: Last Blood ou Terminator: Dark Fate, c'est au tour de Doctor Sleep de rentrer dans la ronde des suites improbables de cette année 2019 et de succéder à l'un des films les plus cultes du septième art : Shining.


! ƎTЯƎ⅃A ou (pour vous éviter d’aller chercher un miroir) ALERTE ! Les paragraphes qui suivent contiennent des spoilers !


Le film reprend dans les 1980's, période au cours de laquelle se sont déroulés les événements relatés dans Shining, et nous introduit la communauté du True Knot pour réintroduire, dans un second temps, Danny. Ce dernier vit avec sa mère en Floride (pour ne plus voir la neige) et se remet peu à peu de son séjour à l'Overlook Hotel. D'emblée, j'avoue avoir été surpris par le choix d'avoir recouru à des doublures pour reprendre les rôles de Wendy, de Danny ou encore de Dick Halloran, m'attendant à ce que le film commence directement avec Ewan McGregor et recourt à des scènes tirées du film de Kubrick si besoin. Si Carl Lumbly s'en sort plutôt bien, j'ai eu plus de difficultés avec la prestation d'Alex Essoe mais c'est avant tout l'écriture du personnage qui m'a laissé perplexe : après ce qui est arrivé à Jack Torrance et les visions d'horreur dont elle a été témoin, la mère de Danny m'a paru un peu trop droite dans ses bottes (je l'aurais assez bien vu internée à l'asile, à l'instar de Sarah Connor dans Judgement Day). En revanche, j'ai beaucoup apprécié retrouver l'ancien cuisinier de l'Overlook qui se veut être un personnage clé, malgré un temps de présence à l'écran relativement court : après s'être fait violemment tué par Jack dans le premier film, Dick revient ici tel un fantôme de la Force, lui permettant de parler avec Danny et d'éclairer de nouveau le spectateur sur ce qui est sur le point d'être narré. Ce faisant, Doctor Sleep flirte, d'autant plus, avec The Six Senth de M. Night Shyamalan (après tout, le premier film est un film de fantôme). Pour rester en compagnie des personnages de Shining, Mike Flanagan fait même revenir Jack Torrance, choix osé qui ne va pas sans risque. Cependant, force est d'admettre que la scène marquant le grand retour du père de Danny est plutôt réussie et illustre un jeu de miroir entre le métrage culte et sa suite.


De manière encore plus surprenante, Flanagan profite de l'occasion pour retourner certaines scènes de Shining. Pour ma part, je n'ai pas complètement adhéré à ce choix car il m'a semblé que ces scènes reproductions étaient trop kitsch, leur donnant un aspect caricatural malgré toutes les bonnes (et évidentes) intentions du réalisateur. Heureusement, le film n'en abuse pas et rend hommage au film de Kubrick de manière plus ou moins subtile avec le jeu de miroir évoqué juste avant qui procure des sensations de déjà vu et que l'on retrouve aussi bien dans les situations dans lesquelles se retrouvent les protagonistes de Doctor Sleep que dans la réalisation. Sur ce dernier point, la scène où Rose, la leader du True Knot, tente de prendre la hache des mains de Danny ainsi que celle de l'entretien avec le docteur qui anime le groupe des AA (scène qui se tient dans une réplique quasi-identique du bureau du directeur de l'Overlook Hotel) ou encore les plans aériens qui suivent la progression de la voiture qui se dirige vers l'hôtel hanté m'ont le plus marqué. De même, cette suite éclaircit certains points obscurs de Shining en revenant, notamment, sur Tony, l'amis imaginaire de Danny ou encore sur le rôle de l'Overlook Hotel, ce qui permet d'apporter certaines clés de lecture supplémentaires, pour certains spectateurs, ou d'enfoncer des portes ouvertes, pour d'autres. Outre l'hommage à l'adaptation cinématographique, le réalisateur n'oublie pas le roman de Stephen King et porte, notamment, à l'écran la fin originale de Shining (on notera aussi le petit clin d’œil à la chambre 217, et non plus 237) : Doctor Sleep apparaît donc comme une conciliation entre les deux œuvres.


Du côté des nouvelles têtes, le film introduit le personnage d'Abra Stone qui est, en réalité, le personnage principal du film puisque c'est elle qui est prise pour cible par un groupe de vampires ("is she food or do we turn her?" demande l'un des membres à Rose). Un postulat similaire à celui constaté dans Terminator: Dark Fate peut être, là aussi, avancé car il s'agit d'une suite remettant au devant de la scène le personnage principal du volet précédent sans que ce dernier soit, au final, au cœur du récit. Cela doit être, néanmoins, relativisé ici, puisque la narration est principalement focalisée sur Danny (sans compter qu'une fois de retour à l'Overlook, il y a un regain d'intérêt le concernant et les feux des projecteurs ont plus tendance à se réorienter vers lui). Pourtant, c'est la jeune Abra qui va prendre la plupart des initiatives et qui est déterminée à lutter contre le True Knot, une communauté composée d'immortels qui s'en prennent aux rares personnes qui shine. Cette fameuse particularité est matérialisée ici sous forme de vapeur qui s'échappe de ceux qui sont en grande peine ou qui sont sur le point de trépasser. Plus qu'un pouvoir psychique, le shining, présenté de cette manière, s'assimilerait presque à l'âme. Cependant, bien que toute personne ait de la vapeur, la quantité et (surtout) la qualité varie en fonction des gens. On notera d'ailleurs ici une critique sociale émise par Crow, le bras droit de Rose, à propos du fait qu'il est plus en plus difficile de trouver de la bonne vapeur, sous-entendant que les personnalités particulières se font plus rares de nos jours ou, du moins, que les gens sont abrutis par leurs portables et autre Netflix et deviennent des zombies, pour reprendre l'expression d'Adam d'Only Lovers Left Alive. Cela peut expliquer pourquoi ce sont les plus jeunes qui shine le plus (idée que l'on retrouve également dans Dark Tower).


Etant donné sa grande sensibilité au shining (même l'Overlook réagit lorsqu'elle franchit le seuil de la porte d'entrée de l'hôtel), Abra va donc être traquée par la bande de vagabonds. Malgré son âge, celle-ci fait preuve de courage (peut-être même trop par moment) et ne se laisse pas intimider par Rose et ses allures de Big Bad Wolf, notamment le temps d'une confrontation mentale (qui ravira, au passage, les fans de Sherlock) au cours de laquelle Abra surprend aussi bien son adversaire que le spectateur. Son chemin finira par croisé celui d’un Danny qui essaye de se reprendre en main, débouchant sur une dynamique qui n'est pas sans rappeler celle qui lie les membres du cercle de la série Sense8 et qui fonctionne, bien que, en terme de time line, on pourrait reprocher l'importance du saut dans le temps de huit ans (à peine commencer la relation épistolaire semble avoir pris fin (ou n'avoir jamais progressée) pour reprendre des années plus tard sans que l'on sache vraiment pourquoi) qui marque la fin de la deuxième partie du film. Mais, dans le même temps, cette ellipse est nécessaire afin de laisser le temps à Danny pour renforcer son amitié naissante avec Billy, autre personnage secondaire qui va prendre part à la lutte dans ce combat qui le dépasse, et pour régler ses problèmes d'alcool. Ce dernier point a son importance puisque cela permet de souligner l'importance du jeu de miroir lorsque Danny se retrouve face au fantôme de son père qui occupe, désormais, le bar de la Gold Room de l'Overlook : tandis que le père cède, le fils résiste.


En ce qui concerne la réalisation, la séquence mind palace évoquée dans le paragraphe précédent est très certainement celle qui m'a le plus pu (étrangement, je n'ai pas pu m'empêcher de penser à Peter Pan, en voyant Rose survoler la ville avant de rentrer dans la chambre d'Abra par la fenêtre). Sans être gore, le film sait jouer la carte horreur notamment le temps d'une scène de torture particulièrement jubilatoire puisqu'elle a pour victime un jeune joueur de base ball incarné par Jacob Tremblay (veuillez m’excuser pour ce moment de faiblesse). La tension se ressent également dans la bande son qui joue beaucoup sur les palpitations et qui a dû provoquer un certain nombre jump scare. Doctor Sleep profite enfin d'un bon casting : si Rebecca Ferguson et la prometteuse Kyliegh Curran tirent leur épingle du jeu, j'ai aussi beaucoup apprécié retrouver Zahn McClarnon et Carl Lumbly, qui s'en tire, encore une fois, le mieux parmi le quatuor d'acteurs doublures. Quant à la prestation d'Ewan McGregor, celle-ci ne m'a pas particulièrement transcendé (l'importance du personnage ne lui en a pas vraiment donné l'occasion en même temps) mais reste tout à fait convenable.


S'il n'arrive pas au niveau d'un Blade Runner 2049, Doctor Sleep demeure une suite qui fait plaisir à voir et qui a le mérite de rendre hommage aussi bien au film de Kubrick qu'aux livres de Stephen King ! 7/10 !

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le 4 nov. 2019

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vic-cobb

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