Dogman
7.1
Dogman

Film de Matteo Garrone (2018)

Le registre de Matteo Garrone dépayse de plusieurs façons, jusqu’à explorer le vertige, le malaise et l’incompréhension de « Tale Of Tales » ou de son cruel « Gomorra ». Ici, il ne fait pas d’exception et se permet de revisiter la fable de David et Goliath dans la plus grande des violences morales et physiques. Bien que l’intrigue aspire à dépeindre un fait réel des années 80, le discours du réalisateur transcende toute la partition de haine, notamment grâce à la performance de comédiens sensationnels. L’expérience vaut le détour, ne serait-ce que pour la force de proposition de personnages aboutis et humains.


Nous nous égarons dans une banlieue de Rome, éloignée de la vie soutenue par l’excès et un système qui prive les habitants de réellement émerger en société, le constat pourrait presque être un écho en ces lieux sinistres et en ruine. On le comprend aisément, même si nous admettons une certaine distance vis-à-vis des marginaux de l’époque, les influences de l’ancienne et la grande Rome, n’est jamais très loin, car impitoyable avec son environnement. Les hommes, comme les animaux, s’adapter à leur mode de vie qui ne tient qu’à une routine de bonne fortune. Chacun sait où il va, mais ne se demandera jamais s’il aurait pu atterrir dans un meilleur endroit. Le récit questionne d’une part sur la complexité du décor, qui introduit un curieux personnage, malgré tout aimé de ses voisins et de sa fille Alida. Il s’agit de Marcello (Marcello Fonte), un toiletteur pour chien. Il remet à neuf ces animaux apprivoisés afin qu’il reste autant accepter dans l’univers domestique et donc collectif. Cet état d’esprit est rapidement engagé en faveur du dogman, pour qui sa notoriété et sa sagesse sont tout pour lui. Mais il viendra rapidement à se heurter à un molosse qui ne se laissera pas caresser de si près, malgré son affection pour les chiens.


Un chien enragé vient frapper à sa porte et avec toute la politesse possible à son égard, il existe une évidente incompatibilité morale entre Simoncino (Edoardo Pesce) et le caractère discret de Marcello. Bien que ces deux-là trempent un brin d’illégalité, le toiletteur se trouve rapidement mêlé à une spirale de méfaits qui ne lui attireront rien de bons, car la trahison est source de caprices pour un homme qui a des principes et une « famille » à tenir. Avec sa silhouette fragile et son teint, assimilable à Buster Keaton, nous sommes en droit de nous demander vers où sa chute va l’entraîner. Sans surprise, la misère et la violence seront les outils qui répondront à cette question. Le duo est alors lâché, comme dans un Colisée. Des bêtes parmi les bêtes ou bien des bêtes parmi les hommes ? Telle est la question sous-jacente. Le rapport de force est distinguable à des kilomètres, mais ce sera au jeu psychologique qu’on mettre à l’épreuve l’humanité de Marcello, lui qui s’illustre au-delà du manichéisme. Le spectateur prend alors un malin chagrin à partager ses péripéties, car l’immersion est admirable. L’homme qui cherche la reconnaissance et le pardon devra tout de même montrer qu’il peut aussi bien mordre qu’aboyer, afin de récupérer le respect, congelé dans le passé inaccessible.


Dans l’esprit du réalisateur italien, il s’agit de dénoncer la bestialité humaine sur une scène, où même les animaux en cage n’ont pas à se plaindre de leur condition. Les actes ont des conséquences et c’est à l’intégrité d’une personne de confiance qu’on se rabat afin de discuter du pour et du contre. La fable de « Dogman » est un supplice pour le héros, qui se laisse influencer dans la réalité du décor, dans la misère de ce dernier et le calvaire de la condition humaine. Le civilisé contre le primitif aura démontré, point par point, en quoi le film noir a su frapper en plein dans les sentiments, là où le réalisateur a tant piétiné sur ses limites dans les derniers long-métrages qu’il a proposés.

Cinememories
8
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le 21 janv. 2019

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