Il est rare que l'adaptation d'un monument de la littérature donne un grand film, un chef-d'œuvre. Paul Valéry disait que « le sujet d'un poème est ce à quoi se réduit un mauvais poème », et l'on peut tout aussi bien considérer que l'histoire, ou le scénario d'un film, est ce à quoi se réduit un mauvais film. En quoi un véritable cinéaste aurait-il besoin de s'embarrasser d'une histoire aussi « lourde » que celle de la légende de Faust ? Un chef-d'œuvre du septième art ne devrait-il pas n'exister d'abord que par une pure nécessité cinématographique ? Et, d'ailleurs, inversement, en quoi un chef-d'œuvre de la littérature aurait-il besoin d'une adaptation cinématographique ? Ne se suffit-il pas à lui-même ? Goethe affirmait d'ailleurs que « tout sujet intéressant dicte à l'auteur la forme idéale qui lui correspond », ce qui rend l'idée même d'adaptation complètement dépourvue de sens. Pourtant, ce qui est particulièrement remarquable ici c'est que « la puissance de l'expression plastique prend manifestement le pas sur l'anecdote, en ce drame connu de tous spectateurs (…) nous le goûtons comme une sorte d'opéra visuel, la mise en scène y tenant lieu de partition » (Éric Rohmer). En bref, malgré quelques faiblesses (on peut, par exemple, regretter que les ballets chez la duchesse de Parme fassent un peu « revue du Casino de Paris »), le film est tout simplement époustouflant et témoigne d'une créativité plastique et dynamique qui laisse pantois. Excellente copie remastérisée chez Potemkine, avec trois bandes son différentes, dont l'originale de 1926.