Joann Sfar, avec une bande son de Gainsbourg

Il a d'abord inondé les rayonnages de la fnac de ses bandes dessinées : des fables touchantes, des épopées distrayantes et crossover en abondance. Les illustrations sont reconnaissables entre mille, avec les cases tremblotantes et les visages creusés, un peu angoissants, un peu naïfs. Il s'est essayé aux Romans, avec des scénarios similaires à ses bandes dessinées mais ils me permirent d'imaginer le monde dans lequel se déroulait l'histoire avec plus de liberté, les bandes dessinées étant très proches d'un Sfar couché sur le papier : j'y lisais plus l'auteur que ses personnages et ses histoires, laissant peu de liberté à l'imagination. Bande dessinée, roman, et plus largement, tout ce que Sfar griffone ou écrit est publié. Des carnets de voyage aux Etats-Unis (ça occupe mais ça ne marque pas) aux narrations de procès (Greffier, dans lequel Sfar retranscrit son expérience d'avoir assisté aux procès des caricatures de Mahomet. Instructif si on ne connaît pas l'histoire), ça doit être rassurant de pouvoir vivre sa vie et la coucher sans prise de tête sur du papier tout en sachant que de toute façon on va être payé pour ça. Cette année, le pote de Trondheim se lance dans le cinéma. Il avait eu une vague expérience d'animation avec la diffusion sur France 3 d'épisodes de Petit Vampire, une adaptation de sa bande dessinée éponyme. Ca n'est donc pas comparable à l'expérience de Gainsbourg, Vie héroïque, dangereux plongeon dans la vie d'une des personnalités françaises les plus fortes et les plus talentueuses.

Pour être honnête, je ne savais presque rien de Gainsbourg. La vague image d'un fumeur alcoolique, qui crache sur les valeurs françaises avec brio. J'ai découvert dans ce film tout ce que j'avais besoin de découvrir : le manque de confiance en soi d'un type qui grandit en se sentant "gueule de juif" plus qu'autre chose, puis la satisfaction d'un mec dont l'art complète le charme, attirant femmes puis groupies puis femmes... J'ai pu apprécier la successions des passions (et l'habile chorégraphie de Laeticia pour ne pas montrer ses seins tout en étant à poil), la relation des Muses aux oeuvres qu'elles inspirent, et quelles oeuvres! Je savais que c'était bien, parce que c'est ce qui se dit : "Gainsbourg est un génie, il a pondu des tounes géniales" (et oui ça me prend parfois je parle québécois). Mais je ne l'avais jamais réellement constaté, si ce ne sont quelques satisfaisantes notes que mes oreilles avaient arrachées à une BO de film ou à un clip youtube. Avec un film dont l'entière BO est un condensé qui se veut significatif de l'oeuvre de Gainsbourg, je n'ai plus pu douter et j'ai aimé la musique de Gainsbourg pendant toute la durée du film. Et j'ai aussi aimé Gainsbourg, tel que Eric Elmosino le joue, puisque c'est la seule image que j'ai de Gainsbourg (si ce n'est l'homme qui brûle un billet de 500 euros sur un plateau télé, et qui chante la marseillaise a capella le poing levé). J'ai aussi aimé Lucy Gordon en Jane Birkin et France Galle tournée au ridicule.

Et après il y a tout ce que je n'ai pas aimé. Au tout début du film, un gamin qui joue comme une bouse. Je veux bien croire que dès son enfance Gainsbourg avait une certaine éloquence, ou bien je veux bien qu'il soit difficile de trouver un mioche qui sache jouer la comédie, mais tout de même, là c'était très moche. Ensuite, le mioche, il dessine pas comme Gainsbourg. Il dessine comme Joann Sfar. Dans un premier temps, j'avais vu la bande annonce et je m'étais dit "tient c'est amusant ils ont choisi Sfar pour faire les dessins de G." Puis j'avais réalisé Sfar était le réalisateur, là je me suis pris son narcissise (propre aux artistes) en pleine gueule, et ça ne m'a pas plu. Je crois que je trouve déplacé lorsque l'on réalisé un biopic de s'identifier au personnage au point de lui donner un peu de soi. Certes, les deux sont français et juifs. Les deux sont icônes bobo, mais je n'ai pas aimé cette toile qui m'a évoqué une chimère Sfar-Gainsbour, Sfainsbour (mais pas "Gainsbarre" qui a déjà une signification). Malheureusement, ça n'était que le début. Le film de Sfar sur G. est plein de la personnalité de Sfar. Dommage, ce que je n'ai pas aimé dans ce film, c'est toutes les intrusions de la personnalité et le style graphique de Sfar dans la vie de Gainsbourg. Après les toiles du réalisateur sous le pinceau du personnage, Sfar se crée un personnage bien à lui, mélange de Grand Vampire et de son meilleur ami dont j'ai oublié le nom, et puis un petit peu du chat du Rabbin. Au même titre que la gueule de Juif de l'affiche de propagande, c'est graphiquement très Sfar. Ah, on me signale à l'oreillette qu'il s'agit de Gainsbarre. TOUT SE REJOINT! Blagues à part. Les frères Jacques. Je ne sais rien d'eux si ce n'est que c'est le groupe préféré de Grand Vampire, je prends alors peu de risque en affirmant que Sfar s'est permis une discrète transposition de ses propres goûts musicaux sur G. On a échappé de peu à Dyonisos les gars. En fait, je pense que Sfar serait un bon réalisateur s'il laissait de côté son ego et admettait que ses dessins ne s'appliquent pas à tout.
À part ça, Laeticia Casta est 1000 fois moins belle que Brigitte Bardo.

En bref, j'ai été déçue par Sfar. J'attendais de lui qu'il fasse de ses films un art bien distinct de ses bandes dessinées. C'est un échec. Cependant, le reste était très plaisant. Eric Elmosino et Lucy Gordon (R.I.P) donc géniaux. J'ai versé UNE larme, étrangement lors de la scène de la marseillaise a capella. J'ai jamais aimé cet hymne pourtant. Mais le meilleur point du film, c'est qu'en sortant, je me suis sentie Gainsbourg. Et ça c'est magique. Donc je décide d'aimer de film, malgrès l'agacement que je ressentais à chaque apparition du double au long nez de Gainsbourg, malgré Sfar, et aussi grâc eà Sfar, car c'est lui qui a su rendre toutes les scènes du film aussi significatives sur G. et sur sa vie, son oeuvre.
Suz
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le 26 août 2010

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