D'un sujet comme l'affaire Dreyfus, il était prévisible que Roman Polanski allait en faire son miel et ne pas manquer, croyait-on, de faire des parallèles avec ses propres démêlés avec la justice et ceux (une certaine frange de "l'opinion publique") qui ne cessent de le condamner sans autre forme de procès. Mais J'accuse peut heureusement se passer de cette lecture réductrice et être pris pour ce qu'il est : un grand film historique, respectueux des faits, pédagogique et passionnant dans son aspect de thriller intransigeant. Le film prend son temps, monte en régime progressivement, et se concentre sur le personnage de Georges Picquard, un homme honnête dont la quête de la vérité était non seulement courageuse mais aussi contraire aux intérêts de l'Armée et partant, de l'ensemble de la société française, traumatisée par la défaite de 1870 et revancharde. Dans quel autre film français a-t-on pu voir une aussi radicale dénonciation de l'antisémitisme qui prévalait dans une grande partie du pays ? La charge est violente mais fidèle à la réalité de l'époque. Pour ceux qui connaissent parfaitement les tenants et aboutissants de l'affaire Dreyfus, il n'y a pas à proprement parler de révélation dans J'accuse mais une solide reconstitution des faits de cette période où la guerre de 14 se prépare déjà, y compris vis-à-vis de l'opinion. Par ailleurs, on y voit le fonctionnement du contre-espionnage français de manière quasi documentaire, avec une ironie sous-jacente dans la façon dont le film montre ses tâtonnements, son inexpérience et ses erreurs commandités. Sans céder au grandiose, Polanski filme cette histoire avec une virtuosité indéniable et limpide, se surpassant dans la direction d'acteurs. Outre Dujardin, parfait, tous les rôles, y compris les plus minces, sont joués avec conviction par des comédiens renommés ou non, avec un égal talent. Une mention spéciale, tout de même, à Gregory Gadebois, extraordinaire, et promis à un César du second rôle s'il y a une justice.

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le 10 nov. 2019

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Cinéphile doux

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