Quel sentiment étrange et pénétrant d’avoir vécu un rêve éveillé, suspendu dans les secondes du temps. Ni tout à fait la même, ni tout à fait une autre. C’est Chantal Akerman. C’est elle devant et derrière la caméra. C’est là devant nos yeux qu’elle dénude son corps, s’ennuie, écrit. Dans une petite chambre elle attend. Elle réfléchit, à l'amour. Elle écrit de longues lettres avec lesquelles elle tapisse le sol. Et c’est maintenant que je comprends. Le cinéma de Chantal Akerman, c’est une lettre au monde, à la nature, à l’amour, à moi, à toi, à lui et à elle. Les images sont des mots et leur montage, des phrases. Noires et blanches.


La caméra repousse les murs de cette minuscule pièce, pour des plans fixes contrastés, elle fait de la lumière et du décor des tableaux semblables à ceux d’Edward Hopper. Avec là une femme anonyme, le je immobile. Parfois sa voix discrète nous décrit une action que nous ne voyons pas, en ce sens, le film se déroule déjà à deux endroits : devant nos yeux et dans notre tête. C’est par ce moyen que les images monochromes se mettent à s’animer sur l’écran noir de nos rêves. Ou bien sommes-nous en train de migrer à l’intérieur de ce film que nous regardons ? Sommes-nous aspirés par le silence poétique des images lentes ? Il me semble que c’est tout cela, Je, tu, il, elle. C’est un tout qui vous enivre. Comme ce tableau que vous ne pouvez cesser d’observer, car il y a ce quelque chose que vous ne pouvez définir. Cette petite étincelle… qui devient lueur lors de la dernière séquence parfumée de saphisme.


Cette petite étincelle croît au fil des secondes, et m’obligera à vivre dans les images de ce film pour plusieurs semaines.


Nudité, amour, Chantal Akerman.

Créée

le 23 mai 2018

Critique lue 790 fois

24 j'aime

18 commentaires

Lulisheva

Écrit par

Critique lue 790 fois

24
18

D'autres avis sur Je, tu, il, elle

Je, tu, il, elle
JM2LA
7

Silences nus

25.01.2010 : Première partie convaincante dans sa mise en scène de la dépression amoureuse avec des partis pris dramatiques passant par un geste quotidien détaché de son sens et qui rappellent en...

le 2 mars 2016

4 j'aime

1

Je, tu, il, elle
stebbins
8

Dans la chambre de Chantal...

1974 : News from Chantal Akerman. Deux ans après avoir ausculté la topographie d'un lieu vierge de tout être humain avec le fascinant et conceptuel Hotel Monterey la jeune cinéaste belge investit...

le 14 déc. 2021

2 j'aime

Je, tu, il, elle
Moizi
6

D&CO, une semaine pour tout changer

Film pour le moins particulier (je n'avais ni reconnu la réalisatrice dans le rôle principal, ni Niels Arestrup), très intéressant, mais aussi, il faut bien le dire assez long, alors qu'il dure moins...

le 25 févr. 2015

2 j'aime

10

Du même critique

Comment chier au bureau
Lulisheva
3

Pièce en 2 actes : Une heure de la vie d'un site lucide

Dans un monde où tout tourne à l’envers Sans CiTrique est un site sur l’Internet qui permet aux utilisateurs de discuter cinéma, musique, littérature etc… il crée des amitiés mais des fois ça clash...

le 6 mai 2019

62 j'aime

37

Blue Velvet
Lulisheva
9

She wore blue velvet, but in my heart there'll always be...

La première fois que je l'ai vu, j'étais déçue. Je n'avais pas tout de suite saisi que ce film et son ambiance angoissante s'étaient introduits au plus profond de mon inconscient. L'envoûtante...

le 29 mars 2017

60 j'aime

12

Les Proies
Lulisheva
5

Tiré(es) à quatre épingles

C'est clair, Sofia Coppola avait un bon sujet entre les mains. Grâce à son esthétique parfaitement travaillée elle aurait pu nous livrer une alternative de Mademoiselle. Malheureusement le film...

le 23 août 2017

46 j'aime

31