Il est difficile d'évoquer le film Kaamelott sans mentionner l'attente qu'il aura su susciter auprès des amateurs de la série durant ces dix dernières années. De nombreux articles et diverses vidéos du web n'ont eu de cesse de revenir en détail sur le parcours du combattant qu'aura été la sortie du film. Il était ainsi impossible d'occulter cet aspect dans l'appréciation de l'œuvre et cela d'autant plus lorsque l'on a été soit même fébrile et extatique à l'idée de voir porté sur grand écran la vision de la légende Arthurienne initiée par Alexandre Astier dans les années 2000.


Autant l'avouer (le confesser même) directement je suis de ceux qui aiment grandement la série Kaamelott. Certes, au fil des années j'ai tout de même appris à modérer mon enthousiasme autour de la série, en cessant notamment de sortir en permanence les répliques rebattues à foison. De surcroît, avec le temps, j'ai également eu de sérieuses réserves concernant certains aspects de la série. Toutefois, mon affection pour celle-ci reste bien présente.


Au-delà même de la série, je dois reconnaître aimer écouter discourir Alexandre Astier sur n'importe quel sujet (à peu près autant que celui-ci semble aimer s'entendre parler). Même quand celui-ci tient des propos que l'on pourrait aisément qualifier "de droite", je l'écoute avec une certaine passion, c'est vous dire!


En conséquence, la sortie imminente du film Kaamelott me rendait quelque peu extatique. Fort heureusement, le fait d'avoir appris à apprécier la série avec plus de recul m'aura permis de pondérer mes attentes. A cet égard, saluons également la campagne de promotion du film, visiblement confiée à l'archétype même du fanboy que tout le monde déteste (cf ces affiches présentant des personnages avec des répliques censées être hilarantes), qui aura réussi à bien minimiser mon enthousiasme.


C'est donc avec une excitation modérée et raisonnable que j'ai découvert ce premier volet de Kaamelott sur grand écran. Malheureusement, cette préparation n'aura pas suffit pour ne pas éprouver un profond sentiment de déception à l'issue du visionnage.


Car il faut bien l'admettre ce premier volet de Kaamelott n'est pas une franche réussite.


Oserons-nous dire qu'il s'agit pour autant d'un mauvais film?
Je dois bien reconnaître que sans mon affection pour la série ou pour son réalisateur je n'aurai pas hésité un seul instant pour qualifier ce "KV1" d'œuvre profondément navrante qui n'atteint jamais la hauteur des ambitions qu'elle prétend avoir.


Mais tâchons de faire preuve d'un peu de retenue et de reprendre les points essentiels qui ne fonctionnent pas ici.


Une des premières critiques récurrentes adressées à l'encontre du film, qu'il s'agisse de personnes ayant aimé ou à l'inverse ayant détesté ce premier opus de la future trilogie Kaamelott, est le fait que la mise en scène d'Alexandre Astier s'avère dans l'ensemble assez plate, ne parvenant jamais à conférer le moindre souffle épique au récit. Il est souvent mentionné que le film ne nous offre qu'assez peu de plans larges et que la majorité des plans sont très resserrés autour des personnages et ceci de manière invariable.


Alors, le fait de filmer au plus près du corps des personnages n'est pas en soit un signe d'une absence de mise en scène, de nombreux films ont pu adopter ce parti pris et en tirer une vraie mise en scène sensitive. L'on peut ainsi évoquer un film comme la vie d'Adèle (ou plus généralement le cinéma de Kechiche), qui, par ce choix, parvient à nous faire ressentir les émotions et tourments de ses deux protagonistes créant alors de magnifiques scènes intimistes. L'on peut également citer L'exercice de l'Etat, un thriller politique redoutablement efficace, où ici la volonté est de créer un sentiment de tension constante et de faire ressortir le stress et le caractère à fleur de peau des personnages.


Néanmoins, dans chacun de ces exemples la mise en scène ne se contente pas de filmer de près ses personnages, il y a différentes utilisations des décors, du montage (point également fâcheux du présent film mais nous y reviendrons) et surtout elle sert un réel point de vue de metteur en scène, parvenant à faire sens avec le sujet du film et des émotions qu'il entend véhiculer. Or, un point de vue c'est bel et bien ce qui fait défaut ici, car en dehors de quelques séquences assez éparses la mise en scène s'avère bien souvent très fonctionnelle ne servant qu'à illustrer des dialogues, pas toujours réussis au demeurant.


Ce caractère fonctionnel est aussi quelque chose qui se fait particulièrement ressentir en ce qui concerne le second problème du film, à savoir son montage. Tout semble expédié en permanence, comme si le film se retrouvait à avoir beaucoup trop de choses à raconter et qu'il fallait alors enchaîner les séquences le plus vite possible. Ce qui est assez ironique car en définitive l'on se rendra compte à l'arrivée du générique que le film n'a pas eu grand chose à raconter (mais là aussi nous y reviendrons, oui j'use de techniques de teasing assez éhontées).


Cette manière d'enchaîner les séquences a malheureusement pour incidence d'amoindrir bon nombre de scènes qui auraient pu être marquantes. L'exemple le plus flagrant, est l'introduction du Roi Arthur. Les premières minutes du film s'ouvrent sur un mystère, celui de savoir ce qu'est devenu le roi. Il y a donc une attente qui se crée, une attente qui laissera ensuite place à une séquence d'iconisation lorsque celui-ci apparaîtra pour la première fois (un des rares moments où la mise en scène se fait sentir). Sauf que malheureusement cette iconisation fonctionne assez peu du fait que les séquences précédant cet instant sont bien trop courtes et s'enchaînent de manière frénétique. Tout cela a donc pour incidence de réduire considérablement l'impact du récit durant toute la durée du film.


Cette dernière remarque nous offre l'occasion d'évoquer le point qui pose le plus gros problème, son récit. En mon sens, toutes les difficultés énoncées jusqu'à présent découlent du fait que le film tient sur un récit dont les enjeux ne sont jamais impactant. KV1 est censé nous raconter l'histoire d'un Roi ayant renoncé à ses fonctions, revenant pour affronter son rival ayant pris sa place sur le trône et exerçant un pouvoir tyrannique. Or, tout cela ne ressort jamais à l'écran.


Arthur est présenté au début du film de manière apathique, ne souhaitant pas retrouver la place qu'était la sienne dix ans auparavant. La première problématique que pose cette intrigue est que le film reprend le même postulat que la 5ème saison, sans en atteindre la maestria, alors que la toute fin de la saison 6 nous montrait un Roi semblant reprendre du poil de la bête. Ce qui donne un sentiment désagréable de retour en arrière, mais la plus grosse difficulté est le fait que finalement le choix d'Arthur d'accepter de reprendre ses fonctions s'avère être assez brusque et assez peu justifié dans le film.


Mais ce qui pose le plus gros souci concerne tout ce qui a trait au pouvoir qu'est censé exercer Lancelot. Celui-ci ne se fait jamais ressentir, l'on ne ressent à aucun moment la menace qu'il est censé représenter. Cela s'observera surtout lors de la bataille finale, qui réussit l'exploit d'être une bataille dans un seul sens, vu que l'armée dirigée par le Roi lors de l'assaut final afin de destituer Lancelot ne rencontre absolument aucune résistance, et ne parlons pas de ce duel final entre les deux rivaux, absolument ridicule, tant en terme d'écriture que de chorégraphie et de mise en scène (on y revient à nouveau).


Ce sentiment d'absence d'enjeux parsème tout le film une fois passée la première demi-heure. Cela ne découle pas uniquement du fait que la tyrannie de Lancelot ne ressort jamais, mais découle également des interactions entre les personnages. Le Roi est de retour après plus de dix ans passés en dehors du Royaume de Logres, nous aurions pu croire que cela serait sources de différentes tensions entre les protagonistes, notamment avec le personnage de Léodagan. Que nenni! Tout semble toujours se régler sans la moindre difficulté, d'où cette horripilante sensation d'absence d'enjeux. Cela a donc pour incidence que nous avons surtout le sentiment d'assister là à un enchaînement de scénettes et jamais à un film héroïque et encore moins épique.


En conclusion, ce premier film Kaamelott nous laisse le sentiment d'un film qui ne parvient jamais à donner de l'épaisseur à son récit, que ce soit par son écriture, sa mise en scène ou son montage. L'on aurait également pu s'attarder sur les décors qui sont bien souvent tristement vides, en dehors de quelques paysages, mais l'objectif n'est pas non plus de chercher à enfoncer dans les moindre détails un film dont j'ai malgré tout une certaine forme de sympathie.


Car en dépit de tous ses défauts et le fait que celui-ci soit tout simplement raté, il m'est difficile de détester ce premier volet de Kaamelott. Parmi les raisons expliquant cette sympathie pour le film je pourrai évoquer le fait que malgré tout celui-ci nous propose des costumes recherchés et bien trouvés (à l'exception de celui de Lancelot), que certains dialogues nous décrochent quelques rires, que quelques séquences sont assez jolies (à l'instar de celle où Léodagan déambule au milieu des catapultes) ou encore que quelques bonnes idées originales sont présentes (dont la mise en place musicale de la bataille finale).


Mais il faut bien être honnête et admettre qu'en réalité cette sympathie résulte principalement, comme je l'indiquais en amont de cette critique, de mon attachement à la série. D'ailleurs, une remarque récurrente des gens ayant apprécié le film est la joie de voir à l'écran tous ces personnages que l'on n'avait pas vu depuis plus de dix ans maintenant et il est vrai que ce sentiment de retrouvaille est très plaisant, quand bien même la plupart d'entre eux ne sont que peu voir pas du tout caractérisés ou développés.


Alors oui, l'on peut ressentir un certain plaisir à voir un long épisode de 2 heures de Kaamelott sur grand écran, mais pour une œuvre filmique, qui plus est se voulant être d'une production d'envergure, l'on pouvait s'attendre à mieux. Croisons les doigts pour que le prochain opus puisse rehausser la barre et raviver l'enthousiasme qui était le mien lorsque, il y a près de treize ans, je visionnais les dernières minutes de la sixième saison.

thedate29
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le 21 août 2021

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