Nous sommes ici face à l'un des long-métrages les plus représentatifs de l'école dite de l'impressionnisme dans le milieu du cinéma. Il regorge d'innovations et de techniques assez impressionnantes pour l'époque. Le réalisateur Jean Epstein a ici eu recours à plusieurs techniques assez innovantes pour l'époque. Il va exercer ces nouveaux concepts en se basant sur l'idée de travailler sur la dimension psychologique de ses personnages. Certains éléments vous sembleront d'une banalité à toute épreuve et pourtant dans les années 1920 il n'en était rien. La Chute de la Maison Usher est un monument de cinéma ayant utilisé avec réussite les nouveaux moyens techniques d'expressions artistiques disponibles.


Le récit présenté est le suivant (l'histoire étant de base tellement connue je ne vais pas me retenir de spoiler soyez donc prévenus) :
Roderick Usher et son épouse, mourante, vivent dans un manoir éloigné de tout. Le mari n'a qu'une seule obstination en tête : peindre sa femme. Cependant, plus la peinture avance, plus la santé de la jeune épouse semble décliner, comme si la toile absorbait sa vie peu à peu. Elle finit par mourir et est enterrée dans une crypte non loin du manoir Usher. Roderick, devient de plus en plus fou, il est persuadé que sa bien-aimée a été enterrée vivante. Cette dernière sortira effectivement de sa tombe, lorsque la foudre s’abat sur la maison, détruisant également le tableau.


Attardons nous en premier lieu sur le concept de la surimpression (technique très importante dans l'impressionnisme), un procédé inédit en ce temps-là qui aura un franc succès et qui peut encore être remarqué aujourd'hui au cinéma. Cette pratique a pour but de faire apparaître des éléments à l'image qui n'ont pas été filmé dans le plan. Il peut s'agir d'un visage en gros plan superposé en transparence sur l'image de base ou d'un objet quelconque. L'idée vise principalement à donner une sorte de vision psychologique du point de vue d'un ou des personnages.
Ce procédé peut également s'adapter en laissant apparaître des éléments à l'image étant censés être physiquement présent dans la diégèse du film (fantômes,...). Cette utilisation du processus sera moins pratiquée par la suite pour laisser sa place à l'importance du travail de la psychologie des personnages comme justement dans La Chute de la maison Usher d'Epstein


La surimpression va ici être utilisée à divers moments du long-métrage. L'exemple le plus emblématique serait sans doute la séquence présentant le personnage de Roderick Usher et trois autres hommes portant le cercueil de sa bien-aimée à travers un pré. Nous remarquons dans plusieurs plans de la scène des bougies transparentes prenants une assez importante place à l'image et semblants entourer le chemin des protagonistes. Le spectateur comprend à cet instant que les bougies ne sont pas physiquement présentes dans la diégèse du film mais qu'elles sont symboliques. Elles représentent la marche funèbre menée par les quatre personnages et leur état psychologique grandement touché par le décès de la jeune demoiselle Usher. Pour donner un second exemple, le procédé de surimpression sera également utilisé vers la fin du long-métrage. En effet dans l'une des dernières séquences, le personnage de Roderick Usher semble complètement perdre la raison, persuadé que son épouse a été enterrée vivante. Tout l'univers autour de lui semble alors se déséquilibrer. Ce passage offre une vision subjective du protagoniste voyant tous les objets trembler ou se dédoubler. L'effet de surimpression est donc encore une fois utilisé par Jean Epstein dans le but de démontrer les émotions et la psychologie très touchée de son personnage principal.


Un second point sur lequel nous pourrions nous pencher pour prouver la réussite artistique et technique du métrage serait sans doute la mobilité de la caméra. Son utilisation au sein du film va bien souvent être construite dans la même idée que le processus de la surimpression par Epstein. Il veut montrer la détresse psychologique du protagoniste. L'une des séquences les plus représentatives à ce sujet serait sans aucun doute celle présentant Roderick Usher portant sa femme mourante dans ses bras en courant. A l'aide de gros plan en mouvement sur le visage du personnage principal tout en faisant des cuts extrêmement rapides, le film montre parfaitement l'état de détresse absolue du personnage à travers ce montage rythmique.
Comme dit précédemment, l'utilisation de la caméra subjective propose de se mettre à la place du caractère ce qui permet une identification du spectateur. Cela nous permet de « vivre » sa folie et de mieux l'appréhender. Exploiter la mobilité de la caméra va donc permettre d'exploiter et de montrer la position de folie dans laquelle se retrouve le personnage principal du long-métrage.


En conclusion l'impressionnisme selon Jean Epstein va chercher à exprimer l'aspect psychologique dans lequel vivent ses personnages à travers tous les moyens et techniques mis en place. Le cinéaste nous aide à pénétrer au mieux dans son histoire dont il a pris soin de comprendre comment l'inclure dans une démarche impressionniste. La Chute de la maison Usher est, à n'en pas douter, une chef-d'oeuvre et une oeuvre fondamentale dans l'histoire du septième art. Epstein nous offre une oeuvre riche pour le cinéma fonctionnant toujours près de cent ans après sa sortie initiale dans les salles obscures.

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