Ce film m'a réconcilié avec Del Toro.
Non pas que je lui en voulais particulièrement, mais en tant que hipster de hipster, je trouvais ce cinéaste particulièrement surestimé, avec ses trois films intéressants, sa petite collection de nanars et son immense liste de projets jamais réalisés, mais s'il les avait fait, vous auriez vu ce que vous auriez vu, dites donc !
Par conséquent, c'est avec plaisir que je vois que Del Toro nous livre enfin un travail concret, personnel et développé, un digne successeur du labyrinthe de Pan.
On retrouvera les habituels traits de son cinéma, avec les décors digne d'un jeu bioshock, le gore réaliste, la symbolique un peu lourde, le personnage principal en décalage avec la société et le personnage antagoniste maniaque de la normalité, au point d'en être monstreux. Mais ici, la vedette, c'est le monstre, un homme piranha sauvage aux mystérieux pouvoirs. La réussite du design est d'avoir laissé à la créature un aspect sauvage, animal, alien. Elle est dangereuse même si pas forcément mal intentionné. L'attraction de l'héroïne en demeure étrange, atypique, sans devenir édulcorée. C'est une dame bizarre qui veut se taper un poisson, jugez si vous voulez, au moins, ça ne fait de mal à personne. Et puis, il a de beaux yeux.
Bon, il faut cependant avouer que du coup, la romance en prend un petit coup et reste un peu faible. La créature ne gagne jamais assez de personnalité pour éloigner le spectre de la zoophilie. D'autant que certaines scènes semblent manquer leur potentiel. Par exemple, à un moment, Elliott le Dagon se retrouve seul dans un cinéma pendant qu'un peplum passe sur l'écran. On vient le chercher. C'est tout. Pour mener l'intrigue, il faudra plutôt compter sur Michael Shannon, en pleine reprise de son rôle de Boardwalk Empire, qui incarne tous les mauvais côtés des années 50. Son naufrage dans la folie sur fond d'espionnage sauce soviétique fournisse au film la tension et la complexité qui complètent la tendresse et l'esthétisme des moments plus intimes, focalisés sur Elisa et son groupe d'opprimés : un gay, une noire, et un Profond d'Innsmouth. Et dieu sait si c'était pas facile d'être un homme-poisson sous Kennedy.
Bien rythmé, bien filmé, avec de bons acteurs (mentions spéciales à Sally Hawkins, toute en force tranquille sous ses charmes fanées, à Michael Sthulbarg en sympathique savant rouge, et à Michael Shannon, qui a toujours l'air de vouloir mordre les gens) et une bonne musique, le film n'est toujours pas le chef d'oeuvre ultime espéré, mais il est plaisant à regarder, bien intentionné, souvent malin, et prend le temps de se placer du côté des rêveurs et des déclassés. Est-ce qu'on peut en demander beaucoup plus ?


Par contre, c'est quoi cette obsession du vert, Guillermo ? Est ce qu'une Granny Smith a tué tes parents ?

Kevan
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le 3 mars 2018

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