Dans le film de Billy Wilder Sept ans de réflexion le personnage incarné par Marilyn Monroe dit, après vu le film, La Créature du Lagon Noir qu'elle semble peinée que la créature ne finisse pas avec la femme centrale du film. Et c'est apparemment l'avis de Guillermo Del Toro qui a tenté d'inventer sa version de sorte à ce qu'elle devienne une véritable histoire d'amour.
Alors, oui, le film à fait grand bruit, car, enfin, un film de SF / Fantastique obtenait un Oscar et pas pour une catégorie technique. Ceci dit, Guillermo Del Toro a quand même bien emballé son produit pour qu'il soit apprécié par un public friand d'histoires sentimentale et de discours sur la tolérance.
Le scénario est loin d'être fou, mais il part déjà de prémisse suffisamment originaux pour titiller le spectateur : "Une femme de ménage muette tombe amoureuse d'un monstre marin détenu par un projet gouvermental top secret." Et il fait vraiment bien son taf : il sait expliquer sans en dire trop, permet de laisser la place à l'imagination. Et surtout, il sait être subtil quand il le faut.
Ainsi, il place son cadre dans une Amérique des années 60 intolérante à toute forme de différence : le personnage principal est muet, ses deux amis sont homosexuel et noir et l'un de leur allié est un russe. Mal foutu ça aurait pu se transformer en un film à la morale évidente du style : "l'intolérance c'est pas bien" mais non, Del Toro oriente le tout vers une histoire d'amour qui évite les blablas inutiles. Le film joue d'ailleurs tellement de son mode "montrer et non-raconter" qu'il le fait dire par l'un de ses protagonistes. De plus, placer le point de vue d'un film de SF non pas dans les militaires, les héros décisionnaires ou les scientifiques mais par les petites mains qui viennent nettoyer ou entretenir leurs grosses installations de bourrin est rafraichissant.
J'ai bien aimé ce film. Il y a évidemment des emprunts à la Belle et la Bête mais aussi étonnement à la Petite Sirène : Elisa pourrait être une sirène qui a perdu son don de parole enfant afin de faire usage de ses jambes. (Et de développer un don pour les claquettes.) Après tout Del Toro ne cache pas ses inspirations et offre dans ce film un côté très Joe Dante dans la manière de faire des citations directes au cinéma : la télé de Giles et le cinéma sous lequel se trouve l'appartement d'Elisa montrant directement des extraits de films dont il fait le parrallèle. Bon, après, le père Del Toro a réussi à placer un ou deux plans gores qui foutent un peu le malaise (Putain, les doigts qui pourrissent ou le chat décapité)
Et puis, on pense aussi à Hellboy. Il est difficile, quand on a lu une grande partie des bds prenant place dans l'univers de Mike Mignolia de ne pas faire le rapprochement, non seulement entre la créature et Abe Sapiens (ce dernier étant lui-même inspiré de la Créature du Lagon Noir ) mais aussi dans le type d'environnement dans lequel cela se situe : une installation militaire montrant un projet militaire dans les années 50 / 60, une créature qui était prise pour un dieu par une population indigène. Ok, Del Toro aura beau dire que ça n'a rien à voir, les fans aiment bien imaginer des théories.
Graphiquement c'est BEAU : il n'y a pas un plan qui ne semble pas avoir été retravaillé. Il offre aussi une continuité avec les films de Jean Pierre Jeunet : un passé désuet, des teintes très vertes, des filtres jaunes. Ce genre de gimmick avait été moqué à une époque, mais lorsque c'est utilisé avec style, ça marche très bien avec la musique d'Alexandre Desplat. Le travail des acteurs est assez niquel lui aussi. Doug Jones est toujours assez génial et j'étais assez content de voir le "père dans Six Feet Under" jouer un rôle au cinéma.
Bref, même si on est bien plus dans un film sur la différence avec un aspect fantastique qu'un film fantastique avec une thématique sur la différence,ce genre de production fait du bien à voir. Et j'aurai limite bien versé ma petite larmiche à la fin.*
- Hélas, ayant échangé mes glandes lacrimales en 1978 contre un paquet de Pepito, j'étais dans l'incapacité de le faire.