La faute à pas de peau.Roberto,éminent chirurgien de Tolède,est traumatisé par l'accident qui avait carbonisé sa défunte épouse.Depuis,il occupe son temps libre à des recherches risquées et illégales en utilisant comme cobaye Vera,une mystérieuse jeune femme qu'il séquestre chez lui.Jusque là,rien que de très classique sous le ciel du thriller à tendance fantastique.Sauf que les apparences sont trompeuses et que des choses bien pires se cachent derrière cette situation.Car tous les personnages sont traumatisés,tous mentent,tous trahissent,tous dissimulent des secrets inavouables.Pedro Almodovar,qui adapte ici très librement "Mygale",un roman du polardeux français Thierry Jonquet,réussit là à appliquer au film de savant fou à la Frankenstein son style baroque échevelé.En résulte une oeuvre colorée,se déroulant dans de magnifiques décors,qu'il s'agisse des intérieurs ou des extérieurs,filmée au millimètre par le pape de la Movida,dont les plans jouent à merveille de la profondeur de champ comme de la largeur de l'écran,le tout accompagné à la perfection par une musique en constante osmose avec l'image.Quant au scénario,également signé Almodovar,il est d'une extrême habileté, d'une cruelle perversité,et il est irrigué par les thèmes favoris du cinéaste.Du mélodrame flamboyant,des histoires familiales horribles,des personnages désaxés,de la sexualité déviante,le kit complet.L'ami Pedro s'en donne à coeur joie et ne recule devant rien.Violence physique et mentale,expériences médicales dégueus,sexe sadique,hystérie,amours équivoques,passions bouillonnantes,fétichisme,voyeurisme,bisexualité,tout y passe et se mélange en un opéra tragique balayant des personnages détruits.Ca peut sembler gratuit,mais quelques sujets émergent cependant,les dangers d'une médecine sans limites par exemple ou,thème cher au cinéaste,l'identité sexuelle.Il est de notoriété publique qu'Almodovar est gay,et il est clairement fasciné par l'homosexualité,le travestissement et leur aboutissement ultime,la transsexualité,et semble penser que tout hétéro est un homo refoulé occultant sa part de féminité.La construction en flashbacks peut dérouter au début,mais à mesure que la trame apparait,les pièces du puzzle s'emboîtent parfaitement.Antonio Banderas,froid et tourmenté,est superbe d'autorité et de détermination en thérapeute dévoyé.Elena Anaya manque décidément de personnalité et de présence,mais elle est très bien gaulée et son corps nous est abondamment dévoilé.A leurs côtés,le jeune Jan Cornet se montre brillant dans le rôle pas facile de Vicente.