Le Voyage d'Arlo
6.1
Le Voyage d'Arlo

Long-métrage d'animation de Peter Sohn (2015)

Youpi ! Un dessin-animé avec des dinosaures !!!


La trouvaille absolument géniale du Voyage d'Arlo, c'est de proposer un univers absolument inédit, en partant du postulat que la comète qui a provoqué l'extinction des dinosaures n'a jamais touché la Terre. Explication rapide et efficace fournie en quelques secondes chrono dès le début du film.
On se retrouve alors plongé dans un monde farfelu où les dinosaures, intelligence évoluée, on mis en place un système agraire d'auto-subsistance : champs de maïs, silos, élevages de poulets (on savait depuis longtemps que ce volatile était un dinosaure !) et troupeaux de bisons préhistoriques. L'ambiance rappelle très volontairement celle d'un western, jusque dans les rondes aériennes des ptérodactyles, précurseurs des rapaces qui nous rappellent toujours dans les films de cow-boys que le far-ouest est une zone de non-droit où le plus fort fait loi et où la mort nous guette.


Voilà ce qu'est Le Voyage d'Arlo : un film de western avec des dinosaures, le parcours initiatique d'un jeune fermier dans le grand ouest jurassique !


Fort de l'originalité de l'univers qui lui sert de fond de tableau, le film s'appuie sur une structure narrative plutôt classique. Notre héros, le dernier des froussards, investi suite à la mort de son paternel de responsabilités apparemment trop lourdes pour lui, se retrouve immergé au milieu d'une nature hostile. Il se lie d'amitié avec Spot, le petit humain qui constitue son parfait double inversé.
Parlant des humains, leur statut n'est pas très clair dans ce monde-là. En voyant Spot, on suppose d'abord qu'ils ont un comportement animal, bien moins évolué que celui des dinosaures. Spot, jusque dans son prénom, c'est un chiot turbulent. Mais les membres de la famille qui le recueille à la fin ont une attitude plus calme, des gestes véritablement humains et - surtout - ils se tiennent debout. Ils enclenchent d'ailleurs "la relévation" de Spot sur ses deux jambes en partant et l'introduisent ainsi dans "Le monde des humains". Bref, l'animalité apparente de Spot ne semble être due qu'à sa nécessité de survivre en l'absence de parents. On ignore cependant quelle sorte de société humaine s'est développée, quels rapports ils entretiennent avec les dinosaures, etc... Au final, ils apparaissent un peu comme les "bons sauvages" de l'histoire dont on ne fait pas trop cas.


En ce qui concerne les autres personnages, ils ont tous des rôles assez précis, conformes au schéma narratologique traditionnel. Les T-rex sont particulièrement attachants et apportent au film ses plus grandes scènes de western, notamment autour du feu. On regrettera que le rôle du chaman tricératops n'ait pas été un peu plus mis en valeur. Quoique haut en couleurs et parmi les plus drôles de l'histoire, il ne sert finalement pas à grand chose dans la construction de l'intrigue. Quant aux méchants, dignes de leur nom, ils sont méchants. Sans être pourvus d'un charisme extrême, ils échappent au ridicule et remplissent bien leur rôle. À vrai dire, leur introduction en tant que "méchants" se révèle même assez subtilement cruelle : je suis encore choquée de la façon dont cette pauvre petite créature toute adorable a été engloutie...


Puisqu'on ne peut pas regarder un Pixar sans prêter attention aux graphismes habituellement très soignés des studios, venons-y. Le Voyage d'Arlo n'échappe pas à la règle et, en l’occurrence, la production a misé gros sur les décors, quasiment réalistes, qui donnent cette impression constante de vertige et renforce la sensation d'égarement du protagoniste. Si les décors sont spectaculaires, sans exagération, les personnages, eux, demeurent assez cartoonesques. Un choix qui étonne mais qui se respecte. Ce design un peu grossier , qui nous rappelle vaguement nos jouets en plastique, est le signe que Le Voyage d'Arlo demeure avant tout un dessin-animé, et que le public visé est très majoritairement composé d'enfants. Néanmoins, il ne faut pas se laisser refroidir par ces graphismes d'apparence simpliste. Contrairement à ce qu'on pourrait croire, le design des personnages n'a pas fait l'objet d'un travail minimaliste. Admirez la fluidité avec laquelle l'eau ruisselle sur les écailles d'Arlo ! Voyez la grâce avec laquelle s'élancent ces brutes de T-rex ! Le côté cartoonesque qui les rend reconnaissables et attachants aux yeux du jeune public n'enlève effectivement pas grand chose à la qualité visuelle de l'ensemble.


Résumons : un univers original, une intrigue classique mais efficace, des personnages globalement crédibles et attachants, le tout servi par une animation de qualité. Voilà beaucoup d'ingrédients qui augurent du grand Pixar !
Un instant, je tends l'oreille. Quoi ? Je crois entendre des protestations.
Dans les confins obscurs de la critique, voilà qu'on crie au plagiat ! Une mauvaise copie du Roi Lion, disent certains, en raison de la mort du père d'Arlo. Mais non, je vous l'assure, Hamlet n'a pas encore mis le pied au far-ouest ! La mort du père - élément si classique que Shakespeare l'avait mise en scène sans avoir jamais entendu parler de Mufasa - constitue ici un élément clé du récit d'initiation : privé de son modèle et protecteur, qui assurait la survie de la famille, Arlo se retrouve à la fois obligé de prendre certaines responsabilités, en même temps que son envie de devenir aussi courageux que son père est décuplée par la disparition de ce dernier. Rien à voir avec la culpabilité d'un Simba, instrumentalisé dans l'assassinat de son père et banni par son oncle. Le voyage d'Arlo n'est ni une punition, ni un exil, mais une confrontation à son être profond, l'occasion d'exprimer des aptitudes dont il n'avait jusqu'alors pas conscience lui-même. On sait que Disney a tendance à bourrer ses productions de clins d'oeil divers, mais nul besoin d'y voir des remakes ou des plagiats. Dans ce cas-là, on pourrait jouer les détracteurs jusqu'au bout. Ils apposent leurs empreintes sur le mur; c'est juste un copié-collé de Frère des Ours ! Si, je vous assure : y'a même un chaman ! Un dessin-animé avec des dinosaures, mais y'en avait déjà eu un en l'an 2000 ! C'est facile, de recycler ses thématiques, hein ! Non, les princesses, ça n'compte pas; on n's'en lasse jamais ! Et puis franchement, le coup du champ de maïs, ils croyaient vraiment qu'on ne le verrait pas ?! Tout est pompé sur Interstellar ! ...


Dans l'ensemble, s'il demeure victime d'une structure narrative un peu basique qui, sortant des studios Pixar, peut passer pour un manque d'ambition, Le Voyage d'Arlo demeure un très beau film d'animation auquel il faut reconnaître un nombre suffisant de bonnes trouvailles et qu'on ne peut en aucun cas accuser d'être du déjà-vu. Sérieusement, si vous dégotez un meilleur western-jurassic, sonnez-moi !

Rodreamon
7
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le 20 mars 2016

Critique lue 428 fois

Cliffhunter ➳

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