Les sauveteurs du dimanche

Il m’en coûte de le dire, mais c’est un fait : à ce stade de ma rétrospective Disney, Les Aventures de Bernard et Bianca est très certainement ma plus grande déception. Affermie par une attente dopée à la nostalgie et de réjouissants souvenirs, le long-métrage du trio Reitherman/Lounsbery/Stevens est finalement bien en peine d’y faire écho de bout en bout, de rares éclaircies lui permettant de faire la course en tête du peloton « passable ».

Auréolé d’un succès commercial redorant le blason du studio aux grandes oreilles, le long-métrage disposait pourtant de solides arguments pour se hisser plus haut : car sitôt que l’on passe outre le caractère improbable d’un tel sauvetage, le devenir sombre de Penny préfigurait un potentiel un tant soit peu dramatique bienvenu. Le générique abonde d’ailleurs en ce sens, le périple de cette bouteille cristallisant à la perfection toute la détresse d’une bambine désespérée ; non contente de compenser le caractère figée des plans de la séquence, la chanson Who Will Rescue Me? lui confère de plus une dimension mélancolique percutante.

Une entrée en matière probante donc, mais le soufflet retombe diablement vite : si le concept de la Rescue Aid Society est intrigant, il est fort regrettable que le récit réduise ses bonnes prédispositions à de menues ficelles. En tête de fil, la relation balisée de Bianca et Bernard fait office d’accessoire romantique tandis que leur enquête meuble de son mieux... mais sans convaincre (la traversée délicate du zoo est, à titre d’exemple, une péripétie que seuls les plus jeunes sauront apprécier).

Si le rythme semble rondement mené, les pérégrinations de ces deux courageux muridés ne sont donc guère passionnantes, quand bien même le « panache » d’Orville et d’Evinrude prêteraient à sourire. Le bât blesse aussi et surtout en ce qui concerne l’atmosphère générale, seuls l’ombrageux bayou et l’empreinte sinistre de la grotte étant à même d’en dynamiser la conventionnalité ; il faut dire aussi que le classicisme de Mme Médusa, sorte de redite fadasse de Cruella (l’inspiration est tangible) affublée d’un sidekick incompétent, n’apporte rien de neuf à un antagonisme définitivement banal.

Enfin, Les Aventures de Bernard et Bianca m’aura proprement laissé sur ma faim d’un point de vue formel : exception faite du second acte avec ses environnements lugubres, l’ensemble paraît quelque peu faiblard au détour de nombreuses approximations (le respect des proportions est le plus parlant en la matière) et d’un trait « hésitant ». Un comble au regard des quelques bonnes idées qu’égraine ci et là le film, à l’image de cette « course-poursuite » ingénieuse opposant B&B à Néron et Brutus (la séquence de l’orgue est de loin la plus réussie du film, en compagnie de celle de la marée oppressante) : quel dommage en somme !

Au terme d’un dénouement accommodant au possible (une fusillade sens dessus dessous artificielle, une adoption mignonnette et l’annonce de nouvelles aventures immédiates), Les Aventures de Bernard et Bianca confine donc au sentiment d’inachevé, la simplicité criante de son cheminement contredisant pour de bon ses promesses initiales... à moins que mon affection d’antan ne m’ait tout bonnement joué un tour.