J'ai pris l'habitude de me méfier des Coppola, père et fille, faute de constance dans la qualité de leurs films, dans la teneur de leurs projets. J'étais agréablement surprise de voir Sofia Coppola renouer avec l'humilité et la délicatesse de Virgin Suicids tout en explorant un genre qui lui sied parfaitement, compte tenu des thématiques récurrentes de la réclusion et de la solitude collective dans son œuvre: celui du huis-clos. Elle donne ainsi une nouvelle couleur à la détresse des femmes percluses de mélancolie et d'ennui en s'appuyant sur un casting impeccable qu'elle place dans un décor idoine. La réalisatrice y fait saillir le désir, et renoue avec le mystère de la psychologie en privilégiant l'implicite. Les personnages féminins sont dotées d'une identité forte, il est même étonnant de déceler autant de subtilité dans la peinture du personnage incarnant l'autorité joué par Nicole Kidman, personnage habituellement peint avec plus de manichéisme dans les précédents films de Coppola. Les Proies ne manque pas d'humour noir, veine en fin de compte peu explorée par la réalisatrice et qui dote le film d'un nouvel allant en l'empêchant de sombrer dans la lourdeur - non dénuée de grâce - de Virgin Suicids. Je déplore en revanche le manque de profondeur du personnage masculin, dont la présence n'est justifiée que par la perturbation de la routine du microcosme. Il ne semble avoir aucune motivation; étant le point nodal de l'intrigue, il manque paradoxalement d'intérêt: le film trouve là ses limites. Cette vacuité du colonel affecte l'intrigue; l'enchaînement des actions, un peu trop forcé, rend le dénouement abrupt. La superficialité l'emporte souvent sur la profondeur dans l’œuvre globale de Sofia Coppola, l'attention portée à la forme en est généralement la cause. Ici, en dépit de l'inachèvement de l'intrigue, j'apprécie cette attention: l'image est magnifique; rarement on aura si peu vu dans un de ses films, tant la pénombre, que les basses ne font que sublimer, domine.