Magouille et compagnies.
On pourrait considérer Mado comme une nouvelle variation sur les thèmes qu’on sait désormais chers à Claude Sautet, et qu’il traite comme personne. Il est en effet très facile de tisser des liens...
le 8 déc. 2015
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Simon,promoteur immobilier riche et vieillissant,traverse une très mauvaise passe.Il est en train de tomber amoureux de la jeune prostituée qu'il voit régulièrement et son ami et associé Julien,ruiné par un aigrefin,se suicide.Il se lance alors dans une vendetta risquée contre le puissant entrepreneur responsable de ce drame.Claude Sautet,qui a tourné des années 60 aux années 90,reste essentiellement dans la mémoire collective pour sa filmo des seventies,dans laquelle il se faisait le chantre du spleen des bourgeois quadragénaires en crise existentielle qui font la gueule,écartelés entre vie amoureuse compliquée et problèmes professionnels aigus.Il a consacré ce qu'on pourrait considérer comme un cycle de six films à ce sujet,qui couvre toute sa période seventies,à l'exception du grandiose "Max et les ferrailleurs" en 71,et va des "Choses de la vie" en 70 à "Une histoire simple" en 78."Mado",avant-dernier opus de la série,est nettement moins coté que les pourtant surestimés fleurons du cinéaste que sont "Les choses de la vie","César et Rosalie" et "Vincent,François,Paul et les autres".Cette plongée dans la France giscardienne,empreinte de nostalgie pour ceux qui ont connu l'époque,n'est cependant pas si négligeable.Déjà,on assiste à un film historique en temps réel.Pas besoin de reconstitution puisque ça a été tourné "sur place".Et bien des choses ont changé depuis.Voici donc des clopes au bec en permanence,de l'alcool à gogo,des cafés bondés où on picole dans une atmosphère enfumée,des bagnoles dépourvues de ceintures de sécurité.Les voitures justement,admirons ce défilé de DS,de 4RL,de 403,de 203.Et les fringues vintage genre pantalons pattes d'éph,et les coiffures,cheveux longs ou boules afro.Un vrai bol de jouvence!Quant à la description sociale,elle préfigure ce qui se matérialisera lors des décennies suivantes.Du chômage,des magouilles politico-financières,des ouvrières qui s'adonnent à la prostitution pour arrondir les fins de mois,de la dépression alcoolisée,la tentation du retour à la terre,des routes embouteillées,des escrocs en costard,dont certains arborent une rosette à la boutonnière,des fonctionnaires corrompus,des opérations immobilières crapuleuses,tout est déjà là.Par le biais du personnage de Mado,qui appartient à la fois au monde prolétaire dont elle est issue et où elle a ses amis et au monde des affairistes où elle a ses clients,Sautet parvient à amalgamer ces deux sphères étrangères l'une à l'autre,ce qui est habile même si c'est un peu artificiel.Ainsi se côtoient bizarrement des jeunes pauvres et encore idéalistes et des moins jeunes riches,cyniques et désabusés,ce qui crée des confrontations parfois fécondes ou amusantes.Pour autant,"Mado" est loin d'être une parfaite réussite.L'intrigue se tarit et s'étire inutilement vers la fin,et le propos apparait souvent plus naïf que convaincant.La prise de son est aléatoire mais ça donne un côté réaliste au film,dont l'interprétation est un des atouts majeurs.Sautet a convoqué pour l'occasion quelques-uns de ses acteurs fétiches,dont Michel Piccoli,tranchant et déterminé,qui tient le rôle principal.Mais aussi Romy Schneider,d'une jolie spontanéité,qui reforme ainsi avec Piccoli le couple des "Choses de la vie" ou celui de "Max et les ferrailleurs",et Bernard Fresson,qui passe fugitivement.Mado,c'est Ottavia Piccolo,jeune actrice italienne très présente dans le cinéma français seventies,où elle n'était jamais avare de ses charmes,et qui a totalement disparu ensuite.En tout cas,réunir Piccoli et Piccolo,c'était une super idée.Les seconds rôles font également la force du film.On évoque souvent les grands acteurs de complément du cinéma français des années 50,mais ceux des années 70 n'ont rien à leur envier et là c'est un festival.Jacques Dutronc,déjà célèbre en tant que chanteur,apporte son souverain détachement.L'immense Julien Guiomar,cauteleux et carnassier,est impérial en salaud de service.Et il y a Charles Denner,Claude Dauphin,star des années 30-40-50,Nathalie Baye,pas encore connue,Michel Aumont,Jean Bouise,André Falcon,Benoît Allemane,Jacques Richard,Marc Chapiteau,Dominique Zardi et même la canadienne Denise Filiatrault,célèbre en son pays blanc.
Créée
le 1 août 2017
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