Oh, l'intrigante expérience filmique que voici ! Difficile de repousser les limites de ce qui a été expérimenté jusque là tant la variété des formes est grande, mais là, il faut convenir que j'ai été tenue en éveil tout du long, et pas grâce à l'histoire. Non, ce qui titille en l'occurrence, c'est l'absolu inconfort de en jamais savoir déterminer le ton des scènes que l'on regarde. Du coup, ce qui aurait pu être un interminable pensum un peu abscons résonne comme une énigme qu'on a envie de résoudre. Et c'est un peu ce qui sauve le film, à mon sens, car le sujet est ingrat, au demeurant : une provinciale assez mutique et franchement alcoolique tente de percer dans le milieu du théâtre, exigeant et truffé de personnages limites. Les scènes pendant lesquelles la jeune aspirante, tétanisée, se fait humilier par des personnes en situation de pouvoir sont éprouvantes mais on les reçoit comme des bols d'air dans une histoire relativement hermétique, car les mouvements qui comptent le reste du temps sont ceux qui se passent de manière souterraine dans la tête de l'héroïne. Son émancipation résolue passera par une rencontre décisive avec une actrice chevronnée encore capable de s'émouvoir, l'adoption d'un chien et la restauration de son estime personnelle, consciencieusement piétinée jusque là avec son assentiment tacite. Sur le chemin, le spectateur est cantonné dans un rôle passif plutôt inconfortable, mais justement, ça change et la scène finale console un peu des trésors de patience qu'il a fallu déployer jusque là, parce qu'elle éclaire l'ensemble d'une très jolie manière. Enfin bref, un objet très étonnant, quoi.