Pâté en croupe
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On peut s’étonner et trouver étrange l’emballement critique général face au nouveau film d’Abdellatif Kechiche. Comme on peut ne pas aller dans le sens de ceux qui verront « Mektoub my love » et n’en diront que du mal ou sortiront de la salle avant la fin de la projection. On commence à connaître le cinéma du réalisateur qui aime à étirer ses scènes jusqu’à n’en plus finir pour saisir les moments de la vie dans leur ensemble. Avec ce nouvel opus, il pousse le procédé à son paroxysme donnant l’impression que chaque séquence s’éternise et pourrait être un court-métrage à elle seule. Le procédé a déjà été éprouvé dans toute sa filmographie et c’est peut-être ici qu’il trouve le plus ses limites, la dernière heure devenant lassante, on pense notamment aux scènes dans la boite de nuit. Et on peut trouver ça clairement trivial et sans aucun intérêt.
Filmer la vie, c’est bien. Mais encore faut-il qu’il s’y passe quelque chose et on a parfois l’impression que le cinéaste provoque son auditoire en préférant filmer le néant et le vide que des choses intéressantes. Si on vulgarise à l’extrême, « Mektoub my love » dispose d’un scénario plutôt pauvre et fleurant bon le film sentimental pour jeunes filles en fleur. En effet, on assiste aux atermoiements amoureux d’une bande de jeunes garçons et filles durant un été à Sète. Ils s’amusent, se draguent, vont à la plage, sortent en boite, se cherchent et… C’est tout. Durant trois longues heures, Kechiche filme l’été de jeunes adultes. On a donc le sentiment qu’avec son nouveau film, il invente un genre ou plutôt qu’il mélange deux sensibilités à priori antinomiques : la sitcom et le film d’auteur. D’un côté on trouve cela interminable, à la limite de l’indécence même presque, et surtout totalement superficiel. De l’autre, c’est tellement bien observé et réaliste qu’on hésite entre foutage de gueule et naturalisme poussé à l’extrême.
Pour autant, difficile de se passionner tout ce temps par une histoire si mince et anecdotique. Et on en vient à se demander à quoi aurait ressemblé son film amputé d’un tiers ou de moitié. Peut-être à une pépite de chronique estivale, belle et envoûtante. Mais s’il y a bien une chose que l’on ne peut retirer au réalisateur algérien c’est bien son incroyable direction d’acteurs et sa façon si particulière de filmer le quotidien dans ce qu’il a de plus simple et donc, en tout cas pour lui, de plus beau. La plupart de ses jeunes acteurs sont des non professionnels et leur naturel est confondant de perfection. Le charme désarmant de leurs interprétations fait tout le sel du film. Ils sont tous impeccables embarquant le long-métrage dans une homogénéité de casting rarissime. Kechiche est un vrai découvreur de talents et il sait d’autant plus les diriger devant la caméra. Si on peut trouver le temps long, on ne peut s’empêcher d’être emporté par intermittence par ce qui se passe à l’écran puis de s’en désintéresser. Comme dans la vie quoi…
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le 21 mars 2018
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