Premier volet du projet Mektoub is Mektoub ce chant numéro 1 permet encore une fois à Abdellatif Kechiche de nous livrer une fresque naturaliste proprement fascinante, d'une justesse dramatique peu ordinaire...


D'emblée les premières minutes brisent la glace de la pudibonderie avec une scène d'ébats d'une rare puissance érotique, loin du caractère parfois mécanique des séquences sexuellement explicites du chef d'oeuvre La Vie d'Adèle. Ici les corps sont sublimés comme jamais par la caméra du réalisateur, taillant littéralement "dans le chou du plan", à l'image de son mentor Maurice Pialat : fessiers charnus, giron gourmand, visage à l'ardeur plantureuse de la resplendissante Ophélie Bau... On boit les beautés kechichiennes comme on mangerait une plâtrée de pâtes en sauce, avec envie, appétence et redondance.


Mektoub My Love, fier et portant à bras le corps sa dimension vériste, est donc un nouveau bijou dramatique et dramaturgique. Peuplée de comédiens et de comédiennes tous plus brillants les uns que les autres cette saga estivale nous plonge au coeur des années 90, dans une série d'amourettes plus ou moins déçues, baignée par la lumière surexposée des littoraux de Sète. Nous sommes là dans du pur Kechiche : décor méridional évoquant celui de La Graine et le Mulet, langage des corps comme au temps de Vénus Noire ou encore jeux de marivaudage aberrants rappelant la violence des rapports amoureux de L'esquive... à tel point que le film tend parfois à devenir un objet à la fois remarquable de cohérence artistique et un brin auto-référencé. Fort heureusement c'est - comme toujours avec Abdel Kechiche - extraordinairement crédible dans chaque parcelle d'écriture et dans chaque situation proposée.


Fait pourtant nouveau et des plus audacieux : le cinéaste utilise pour la première fois le répertoire musical classique, nous offrant entre autres une scène de pur lyrisme montrant en temps réel une brebis mettant bas au son du Laudate Dominum de Mozart. Cette scène, en totale rupture avec l'ensemble du métrage d'ordinaire si douloureux, est un moment de beauté proche d'une aria paradisiaque... S'ensuivra une séquence interminable de soirée dansante, totalement hallucinatoire dans son rythme, sa durée et son aboutissement technique ( mixage hors-paire, photographie particulièrement chiadée ). Un très grand film, ni plus ni moins.

stebbins
10
Écrit par

Créée

le 22 mars 2018

Critique lue 858 fois

10 j'aime

stebbins

Écrit par

Critique lue 858 fois

10

D'autres avis sur Mektoub, My Love : Canto uno

Mektoub, My Love : Canto uno
mymp
4

Pâté en croupe

Abdellatif Kechiche, depuis La vie d’Adèle, semble désormais devenu plus clivant que jamais (La vénus noire présageait déjà de la chose) et susciter la controverse au moindre de ses mouvements. Les...

Par

le 22 mars 2018

153 j'aime

22

Mektoub, My Love : Canto uno
guyness
3

Sea, sex and seum

Une longue vie de spectateur suffit en général à s'apercevoir que souvent, plus le traitement d'une histoire s'éloigne d'une apparence de réalité, plus on touche au vrai. Prétendre que le contraire...

le 21 août 2018

101 j'aime

54

Mektoub, My Love : Canto uno
Velvetman
5

Souviens toi l'été dernier

Alors que La Vie D’Adèle et son couple mémorable nous trottait encore dans la tête, Abdellatif Kechiche revient avec Mektoub my love (canto uno) et son style inimitable, qui cette fois ci,...

le 26 mars 2018

93 j'aime

15

Du même critique

La Prisonnière du désert
stebbins
4

Retour au foyer

Précédé de sa réputation de grand classique du western américain La Prisonnière du désert m'a pourtant quasiment laissé de marbre voire pas mal agacé sur la longueur. Vanté par la critique et les...

le 21 août 2016

42 j'aime

9

Hold-Up
stebbins
1

Sicko-logique(s) : pansez unique !

Immense sentiment de paradoxe face à cet étrange objet médiatique prenant la forme d'un documentaire pullulant d'intervenants aux intentions et aux discours plus ou moins douteux et/ou fumeux... Sur...

le 14 nov. 2020

38 j'aime

55

Mascarade
stebbins
8

La baise des gens

Nice ou l'enfer du jeu de l'amour-propre et du narcissisme... Bedos troque ses bons mots tout en surface pour un cynisme inédit et totalement écoeurrant, livrant avec cette Mascarade son meilleur...

le 4 nov. 2022

26 j'aime

5