Ari Aster n’aime définitivement pas les communautés humaines. Il le prouve avec sa seconde mixture qui, le temps d’un solstice, enferme un groupe d’amis dans un huis clos à ciel ouvert où ils peuvent à leur gré gambader, se retirer dans des temples triangulaires ou regarder les hommes tomber. Voilà ce qu’est le petit cinéma d’Aster : un cinéma où l’on regarde les hommes tomber. Et où l’on se délecte de leur chute. Seule compte la souffrance de l’individu préalablement drogué, marginalisé et rattaché à un ensemble de cultes parodiant The Wicker Man. Car ce génie d’Aster n’a rien inventé. Il pioche à droite à gauche, recycle des influences qu’un spectateur amnésique a oubliées, si bien que sa réception critique dithyrambique ne paraît justifiée qu’en prenant en compte la pauvreté des productions horrifiques contemporaines. Comparer le réalisateur dudit film à Stanley Kubrick, comme on peut le lire dans Mad Movies, c’est ou ignorer le cinéma de Kubrick, ou n’y rien comprendre. Si la qualité picturale de ses plans fait d’Aster un habile paysagiste qui sait capter le potentiel étrange de l’environnement naturel, l’écriture n’est pas son fort, ni le montage d’ailleurs.


L'enjeu principal de ce long, trop long métrage semble tout entier contenu dans cette scène placée au début, scène qui rapporte les moqueries que subit le petit-ami en raison de sa copine mal dans sa peau et non loin de la névrose. C'est ce fil que le réalisateur va tirer pendant plus de deux heures jusqu'à détricoter l'ensemble des liens amoureux et affectueux qui unissaient le couple. L'humain ici est ouvert, on vous en sort les organes à la manière d'une collection de pièces détachées, l'humain est ici meurtri dans ce qu'il a de plus sensible. La renaissance finale achève la prétention d'un produit truffé de symboles, à la manière de ces farces vendues pour pas cher dans les supermarchés discount.


Film doublement signé – en ouverture et en clausule –, Midsommar suinte l’auteurisme impropre qui n’a strictement rien à dire et assomme son spectateur de belles images bâties sur du vide. Le travail du rythme, les fondus enchaînés, la déformation de certaines focales, le reversement des perspectives, tout cela produit le même effet qu’un ballon de baudruche que l’on dégonflerait lentement, très lentement, pschitt après pschitt, jusqu’à ce que l’hélium euphorisant laisse place à une entité plastique difforme, tel un préservatif usagé sans semence.

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le 19 oct. 2019

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