Le sacre de l'été
Le plus immédiatement troublant devant Midsommar, c'est sans doute – comme à peu près tout le monde l'aura relevé – de se retrouver face à une œuvre horrifique toute faite d'été, de ciel bleu, de...
Par
le 3 août 2019
202 j'aime
61
Ari Aster n’aime définitivement pas les communautés humaines. Il le prouve avec sa seconde mixture qui, le temps d’un solstice, enferme un groupe d’amis dans un huis clos à ciel ouvert où ils peuvent à leur gré gambader, se retirer dans des temples triangulaires ou regarder les hommes tomber. Voilà ce qu’est le petit cinéma d’Aster : un cinéma où l’on regarde les hommes tomber. Et où l’on se délecte de leur chute. Seule compte la souffrance de l’individu préalablement drogué, marginalisé et rattaché à un ensemble de cultes parodiant The Wicker Man. Car ce génie d’Aster n’a rien inventé. Il pioche à droite à gauche, recycle des influences qu’un spectateur amnésique a oubliées, si bien que sa réception critique dithyrambique ne paraît justifiée qu’en prenant en compte la pauvreté des productions horrifiques contemporaines. Comparer le réalisateur dudit film à Stanley Kubrick, comme on peut le lire dans Mad Movies, c’est ou ignorer le cinéma de Kubrick, ou n’y rien comprendre. Si la qualité picturale de ses plans fait d’Aster un habile paysagiste qui sait capter le potentiel étrange de l’environnement naturel, l’écriture n’est pas son fort, ni le montage d’ailleurs.
L'enjeu principal de ce long, trop long métrage semble tout entier contenu dans cette scène placée au début, scène qui rapporte les moqueries que subit le petit-ami en raison de sa copine mal dans sa peau et non loin de la névrose. C'est ce fil que le réalisateur va tirer pendant plus de deux heures jusqu'à détricoter l'ensemble des liens amoureux et affectueux qui unissaient le couple. L'humain ici est ouvert, on vous en sort les organes à la manière d'une collection de pièces détachées, l'humain est ici meurtri dans ce qu'il a de plus sensible. La renaissance finale achève la prétention d'un produit truffé de symboles, à la manière de ces farces vendues pour pas cher dans les supermarchés discount.
Film doublement signé – en ouverture et en clausule –, Midsommar suinte l’auteurisme impropre qui n’a strictement rien à dire et assomme son spectateur de belles images bâties sur du vide. Le travail du rythme, les fondus enchaînés, la déformation de certaines focales, le reversement des perspectives, tout cela produit le même effet qu’un ballon de baudruche que l’on dégonflerait lentement, très lentement, pschitt après pschitt, jusqu’à ce que l’hélium euphorisant laisse place à une entité plastique difforme, tel un préservatif usagé sans semence.
Créée
le 19 oct. 2019
Critique lue 935 fois
8 j'aime
2 commentaires
D'autres avis sur Midsommar
Le plus immédiatement troublant devant Midsommar, c'est sans doute – comme à peu près tout le monde l'aura relevé – de se retrouver face à une œuvre horrifique toute faite d'été, de ciel bleu, de...
Par
le 3 août 2019
202 j'aime
61
Tout était bien parti pourtant : un prologue efficace et puissant, une mise en scène froide et chirurgicale à la Shining qui sait captiver et créer une ambiance joliment anxiogène, et la présence à...
Par
le 1 août 2019
192 j'aime
31
En introduction disons-le tout net, je ne fais pas partie de ceux qui attendaient ce "Midsommar" conquis d'avance, n'étant absolument pas un adorateur du déjà culte "Hérédité", dont la mise en place...
Par
le 1 août 2019
88 j'aime
32
Du même critique
Nous ne cessons de nous demander, deux heures durant, pour quel public Astérix et Obélix : L’Empire du Milieu a été réalisé. Trop woke pour les Gaulois, trop gaulois pour les wokes, leurs aventures...
le 1 févr. 2023
122 j'aime
9
Il est une scène dans le sixième épisode où Maeve retrouve le pull de son ami Otis et le respire tendrement ; nous, spectateurs, savons qu’il s’agit du pull d’Otis prêté quelques minutes plus tôt ;...
le 19 janv. 2019
86 j'aime
17
Ça : Chapitre 2 se heurte à trois écueils qui l’empêchent d’atteindre la puissance traumatique espérée. Le premier dommage réside dans le refus de voir ses protagonistes principaux grandir, au point...
le 11 sept. 2019
77 j'aime
14