Wicker Man 4 (parce que celui avec Nic Cage c'était le 2 et Wicker tree le 3)

Je suis déçu. J'ai bien aimé "Hereditary" ainsi qu'un court métrage réaliser par Aster ; j'aime aussi ce concept de communauté en symbiose avec la nature ; j'étais donc paré pour apprécier ce film. Ben ça reste sympa mais bon, c'est un peu maigre.


Cela commence bien : une mise en place efficace, des personnages dont les relations sont explicites et intéressantes et la découverte de cette communauté. Malheureusement, au fil des minutes, l'enthousiasme retombe. Parce que les personnages sont finalement assez peu exploités ; ils sont peut-être trop nombreux, en tous cas leurs interactions sont faibles, ce qui est dommage parce que quand ils interagissent, c'est intéressant. L'aspect découverte, renforcé par l'étudiant qui prend note de tout, est clairement une qualité de l'histoire, malheureusement, nous restons dans la contemplation, ce qui signifie que les conflits et les enjeux se feront de plus en plus rares : en effet, dès le moment où les personnages décident de rester (en refusant de voir l'évidence), on comprend qu'il n'y aura pas beaucoup de confrontation, qu'il s'agit juste d'assister au rituel, un rituel qui ne surprend pas tant que ça quand on dépasse le côté visuel floral : on se doute bien qu'il y aura fornication, on se doute bien qu'il y aura sacrifice, d'ailleurs tout est expliqué que les murs ; j'espérais d'ailleurs déceler des explications plus subtiles mais l'auteur se charge lui-même de panoter sur ces BD murales pour être sûr que le spectateur ne rate pas les différents spoilers. Cette absence de conflits devient presque insupportable sur la fin : tout est plat. Certes, cela fait réfléchir le spectateur sur ses coutumes, mais cela reste un cinéma assez faible, avec une construction narrative très linéaire et une évolution du personnage principale si abracadabrante qu'on se dit que l'auteur ne s'est pas posé énormément de questions lors de l'écriture.


En soi, le fait que ce soit une copie de Wicker man ne me pose pas de problème étant donné que cette histoire est géniale et qu'elle mérite d'être réadaptée pour un public plus jeune. En revanche, le côté symbolique prend beaucoup de place alors qu'au final c'est quand même très très con et facile (l'auteur ne propose jamais réellement un contre-point pertinent à cette vie de païen). Ce qui m'embête aussi, c'est la longueur ; j'aime qu'on prenne son temps et je ne me suis pas ennuyé durant les 2 premières heures, seulement, lorsque j'ai définitivement compris qu'il n'y aurait pas de conte-attaque, plus de conflits du tout, je me suis dit que ça ne servait pas à grand chose d'étirer autant une intrigue si mince. Il n'était pas nécessaire de monter si longuement ces rites, de toutes façons nous ne les comprenons pas tous. Et l'immersion aurait de toutes façons fonctionné puisqu'on est constamment traité comme un invité et ce dès l'entrée dans ce 'camp de vacances'.


La mise en scène est agréable. À nouveau, l'auteur-réalisateur prend son temps pour amorcer ses scènes : il installe un rythme lent qu'il maintient du début à la fin et cela sied au film quelque part. Ce qui est bien aussi, ce sont les différentes ellipses du début du film : des choses évidentes nous sont évitées, on ne perd pas son temps ; malheureusement la seconde partie est beaucoup plus démonstratives et les quelques ellipses (les mises à mort) sont finalement ce que l'on regrette : en effet, Ari Aster montre un peu trop, oublie que c'est parfois en montrant le moins que l'on touche le plus le spectateur. Cela se remarque au niveau de la narration (où on nous explique trop de choses et ce de manière répétée, comme le rituel de séduction) que de la mise en scène, où l'on voit trop ce qu'il se passe. Certes, il y a quelque chose de fascinant à voir ces rituels, mais pour moi, le cinéma est plus fort lorsqu'il ne rassasie pas le spectateur, qu'il donne à voir certaines choses et que le spectateur voudrait en voir plus. Là tout est montré. Et à la fin du film, je me dis qu'il s'agit là du seul rituel morbide de cette communauté et que le reste de l'année tout est normal ; je me suis dit aussi qu'on a vu tout ce qu'il fallait voir. Et c'est dommage.


On peut faire un parallèle avec la musique: il y a de ces titres où le chanteur répète le refrain inlassablement : c'est vrai qu'un bon refrain, c'est chouette de l'entendre plusieurs fois, on finit toujours par chantonner après. Mais repassez ce morceau 50 fois, vous en aurez vite marre de ce refrain. Si vous prenez une autre chanson avec un très bon refrain mais dont al répétition est limitée, l'auditeur aura envie de réécouter ce morceau pour réentendre le refrain justement et il se lassera moins vite du morceau. C'est un peu ce qui arrive ici : on nous monte tout et parfois plusieurs fois. Il n'y a pas de surprise, pas de construction réelle sur le hors champ. Les amis morts, c'est presque artificiel, on s'en fiche qu'ils disparaissent et quand on les retrouve, c'est fait aléatoirement. Il reste des questions sans réponses, mais ce sont des détails et les apprendre serait probablement décevants.


La photographie est plaisante, le lieu est bien filmé ; dommage que les maisons n'aient pas un peu plus de caractère quand on les observe depuis l'extérieur, peut-être par des formes plus originales ou une disposition plus particulière des baraquements. Les acteurs font du bon boulot. Aster convoque encore des femmes de tous les jours pour tourner à poil, ainsi la scène de coït est plutôt agréable. Les effets spéciaux sont réussis ; simples, efficaces. Le travail sur la décoration (ornements de fleurs, dessins, écritures) sont très agréables ; la composition de certains plans rappelle parfois ces vieilles peintures ornementales. La musique est correcte, sans grande surprise passé la découverte de la communauté avec les joueurs de flûte ; le travail sonore est ici plus anecdotique : la scène du cri racontée (inutilement) au travers de 3 points de vue n'a pas vraiment d'intérêt, on dirait qu'elle est là pour jouer avec le son pourtant...


Bref, malgré ma sévérité critique, je n'ai pas passé un mauvais moment. Mais je dois bien dire que ce film m'a paru au final assez convenu et facile, ça ne va pas très loin ; mais le pire, ce sont tous les éléments gâchés, tant au niveau de la narration que de la mise en scène. Je suis quand même pressé de voir quel sera son prochain film.

Fatpooper
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le 28 oct. 2019

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Fatpooper

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