Le commissaire Letellier,de la brigade criminelle,veut arrêter un braqueur avec qui il a un compte à régler,mais sa hiérarchie le contraint à enquêter sur un serial killer puritain qui tue les femmes qu'il estime dépravées.Cette belmonderie version 75 est un excellent cru.Bébel la star y retrouve Henri Verneuil,un de ses réalisateurs favoris,qui signe également le scénario,alors qu'un certain Francis Veber a écrit l'adaptation et les dialogues.Ce qui séduit d'emblée dans ce film,c'est son côté réac décomplexé.Il parait évident que les auteurs ont voulu,quatre ans après la sortie de l'oeuvre de Don Siegel,faire un "Inspecteur Harry" à la française.Letellier est donc un cow-boy sans états d'âme,qui cogne ou tire d'abord et qui discute ensuite,tandis que Minos,le psychopathe de service,n'est guère éloigné de Scorpio,l'enfoiré qu'Eastwood traquait Outre-Atlantique.Par contre,il s'agit bien d'un film français,qui se démarque nettement du traitement hollywoodien.Verneuil a délibérément opté pour la voie du réalisme,et son travail revêt un aspect quasiment documentaire.Le fonctionnement des services de police est présenté de manière vériste.Ici,pas de flics infaillibles qui devinent tout immédiatement,ni de costauds imbattables ou de tireurs qui font mouche à tout coup.Letellier est loin d'être exemplaire.Obsédé par un désir de vengeance,il néglige l'affaire Minos au profit de l'affaire Marcucci,ce qui aura de graves conséquences.Et si le coupable est finalement découvert,c'est à cause de son imprudence stupide.A force de provoquer la police,il se grillera tout seul,alors que Letellier avait la solution devant les yeux depuis le début,mais que son esprit était trop occupé ailleurs pour la voir.Car il ne s'agit pas ici d'un whodunit,le spectateur connait d'entrée l'identité du meurtrier.Ce réalisme a un revers,le film manque de rythme,surtout lors des scènes d'action.Verneuil a choisi de les shooter presque en temps réel et sans les accompagner de musique,tandis que le montage parallèle patine dans la semoule.C'est assez anti-spectaculaire,mais c'est compensé par l'effet de vérité que ça induit.D'autant que,grande force du film,Belmondo effectue lui-même ses cascades,et quelles cascades.Jamais il n'a été aussi loin dans la prise de risques,et le résultat est bluffant.L'acteur cavale sur les toits de Paris ou sur les rames du métro,se suspend à des corniches,des balcons,ou à un hélico,passe à travers des verrières ou des fenêtres,ce qui donne à Verneuil l'occasion de nous offrir des plans vertigineux qui foutent vraiment la trouille.L'équipe technique,à l'instar du comédien, est au top.Claude Carliez,qui a réglé les combats,et Rémy Julienne,qui a organisé les cascades automobiles,ont fait du beau boulot.Ennio Morricone a composé une musique aigüe et lancinante qui s'accorde parfaitement à ce polar noir et urbain.Quant à l'apport de Francis Veber,il est crucial,ses dialogues bien calibrés restant suffisamment cyniques et cinglants,genre humour noir,sans jamais verser dans la guignolade qui aurait pu les décrédibiliser.Un exemple parmi d'autres:lors d'une poursuite entre Letellier et Minos en plein milieu d'un grand magasin,on entend tout à coup résonner le célèbre slogan "il se passe toujours quelque chose aux Galeries Lafayette".Il est en outre sympathique de respirer l'ambiance seventies,avec ces flics qui sillonnent Paris au volant de leur R16,ces télés en noir et blanc, et ces personnages qui fument des clopes sans arrêt.Autour d'un Belmondo très physique et qui jouait encore avec subtilité et une certaine sobriété qu'il abandonnera plus tard se déploient de formidables acteurs de l'époque,recrutés des deux côtés des Alpes car il s'agit d'une coprod franco-italienne.Charles Denner est impec dans le rôle de l'impassible collègue de Letellier,sa diction tranchante faisant merveille.Minos,c'est Adalberto Maria Merli,gigantesque acteur italien,que ses airs de playboy malsain destinaient aux personnages dangereux.On le vit hélas trop peu au ciné,mais il est aussi génial face à Delon dans "Le professeur".Jean-François Balmer effectue une apparition tonitruante en gauchiste excité,et on le reverra au côté de Bébel dans "Flic ou voyou".Les victimes du cinglé sont incarnées par trois belles actrices:Lea Massari,qui nous gratifie d'une surprenante scène d'auto-défenestration,Rosy Varte,bien avant de devenir vedette de la série télé "Maguy",et Catherine Morin,émoustillante en infirmière sexy,qui eut une bien courte carrière.Il est à noter que le film égratigne au passage les médias,et leurs méthodes qui gênent la police et renseignent les criminels.

pierrick_D_
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le 5 août 2018

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