Coup-d'envoi de la carrière de Fabrice du Welz, Quand on est amoureux c'est merveilleux est un court-métrage réjouissant et extrêmement prometteur. Ses vingt-trois minutes recèlent plusieurs figures importantes des œuvres à venir (amour déréglé, solitude pathologique), mais aussi de ses acteurs phares : ainsi le futur Bartel de Calvaire est présent (Jackie Berroyer), film (le premier long, en 2005) où des frustrations voisines changent de sexe et de milieu ; quand à Edith Le Merdy, elle fera une apparition géniale dans Alléluia en 2014 (quoique tous les seconds rôles féminins y soient remarquables). Du Welz recrute des gueules (dont l'entarteur Noël Godin, Michel Crémadès – le chanteur ringard des Visiteurs 2) et accessoirement Laure Sainclair, actrice porno en reconversion.


Les fantaisies du film évoquent un peu les joyaux de Caro (Delicatessen, La cité des enfants perdus), percutés par ces côtés belges autistes et cinglés (le producteur Vincent Tavier a participé à C'est arrivé près de chez vous et Atomik Circus) liant des œuvres plus par le ton que par la forme. Loin de l'humour terrifiant de Calvaire ou du sérieux profond de Vinyan, cet opus donne dans le glauque burlesque, avec des éclairages baroques et du glamour patraque côtoyant la poussière la plus grasse (photo de Benoit Debie). Edith Le Merdy incarne un gnome déformé, une vieille fille sortie de piste, apparemment depuis pas mal de temps. Du Welz se donne les moyens d'exulter sa fougue (récompensée du prix courts-métrages de Gerardmer), d'une gracilité inimitable, avec ses vices (sensation d'incomplétude, 'facilités') et ses vertus (du génie brut et frais, avec l'absolutisme du premier essai).


Des excentricités plus secondaires s'agrègent, un évadé de Coneheads chante « Madame madame petite madame », un personnage anodin s'appelle monsieur Fulci (réalisateur italien, dont plusieurs travaux flirtent avec le mystique, comme L'Au-delà, Frayeurs ou même L'emmurée vivante). Malheureusement, format court oblige sans doute, le film creuse peu ses facettes. L'issue est un peu décevante, soulignant que le scénario n'est pas l'important ici. Les prouesses et l'ambiance seuls valent le détour. Malgré l'horreur de la chose, la séance est chaleureuse et drôle, au sens jubilatoire ; il n'y a pas de sentiments troubles ou mesquins dans la conception, plutôt une compassion pour les monstres. On s'amuse avec eux et même d'eux sans acrimonie, car la formule « nul n'est méchant volontairement » trouve une excellente illustration.


https://zogarok.wordpress.com

Créée

le 7 oct. 2015

Critique lue 1.6K fois

Zogarok

Écrit par

Critique lue 1.6K fois

8

D'autres avis sur Quand on est amoureux, c'est merveilleux

Quand on est amoureux, c'est merveilleux

Quand on est amoureux, c'est merveilleux

le 20 mars 2013

Noir, c'est noir

Vingt minutes de folie furieuse et naissance de deux monstres sacrés : « Quand on est amoureux, c'est merveilleux », malgré son statut de court-métrage, est une taloche d'amplitude planétaire, le...

Quand on est amoureux, c'est merveilleux

Quand on est amoureux, c'est merveilleux

le 19 oct. 2019

Femmes des années 90, femmes jusqu'au bout des cuisses...

Fin des années 90. Fabrice Du Welz sort de nulle part et fait ses premières armes avec un édifiant court métrage ironiquement intitulé Quand on est amoureux c'est merveilleux... En une petite...

Quand on est amoureux, c'est merveilleux

Quand on est amoureux, c'est merveilleux

le 31 août 2024

Calvaire nécrophile.

Dans le désordre sordide des villes de haute solitude, la valse macabre des délaissés de l’amour. Calvaire nécrophile. Un petit film fantastique, fascinant et dérangeant.

Du même critique

Les Couloirs du temps - Les Visiteurs II

Les Couloirs du temps - Les Visiteurs II

le 29 juin 2014

Apocalypse Now

La suite des Visiteurs fut accouchée dans la douleur. Des fans volent des morceaux de décors, le tournage est catastrophique, l'ambiance entre Muriel Robin et le reste de l'équipe est très mauvaise...

Kirikou et la Sorcière

Kirikou et la Sorcière

le 11 févr. 2015

Le pacificateur

C’est la métamorphose d’un nain intrépide, héros à contre-courant demandant au méchant de l’histoire pourquoi il s’obstine à camper cette position. Né par sa propre volonté et détenant déjà l’usage...

Les Visiteurs

Les Visiteurs

le 8 déc. 2014

Mysticisme folklo

L‘une des meilleures comédies françaises de tous les temps. Pas la plus légère, mais efficace et imaginative. Les Visiteurs a rassemblé près de 14 millions de spectateurs en salles en 1993,...