Moonraker fut l’aventure de tous les excès pour James Bond, qui en a vu de toutes les couleurs dans un volet qui a pu plaire aux amateurs du Bond à la sauce Roger Moore, mais qui a sûrement décollé un peu trop vite. Toujours est-il que l’on revient sur la terre ferme avec Rien que pour vos yeux, inaugurant une nouvelle décennie, avec un nouveau réalisateur aux manettes.


Nouveau, John Glen ne l’est pas tant que cela, puisqu’il a officié en tant que monteur et assistant réalisateur sur Au service secret de Sa Majesté, L’Espion qui m’aimait et Moonraker. C’est donc déjà fort d’une expérience certaine en la matière qu’il se voit diriger pour la première fois un film de la saga. Et le « novice » va rapidement prendre ses marques pour apporter une nouvelle vision de James Bond. Après avoir déposé des fleurs sur la tombe de Teresa, qui ne fut malheureusement sa femme que quelques instants, débute une scène spectaculaire où 007 échappe à nouveau à la mort in extremis dans un mémorable vol en hélicoptère troublé par son grand ennemi : Blofeld. Jamais nous ne verrons son visage, mais celui-ci ne manquera pas d’être humilié par Bond avec un dénouement aussi amusant que déconcertant. L’humour reste la marque de fabrique de James Bond par les temps qui courent, mais cette pastille semble davantage ressembler à un pied de nez qu’à un gag gratuit, comme une volonté de se débarrasser de Blofeld, que l’EON n’a plus le droit d’utiliser après la perte d’un procès, et de montrer qu’ils sont capables de passer à autre chose, de faire quelque chose sans lui.


Et Rien que pour vos yeux va exactement proposer cela. Pour pimenter son film, John Glen inclut un élément qui tend à faire la marque de fabrique de ses films : la vengeance. Deux parents assassinés devant leur fille, et cette dernière se lance dans une vendetta personnelle, qui la mènera à se trouver sur le chemin de James Bond, qui enquêtait justement sur leur mort. Melina, incarnée par Carole Bouquet, va peu à peu devenir l’alliée de 007. Une James Bond girl mystérieuse, distante, froide, mais c’est ce qui fait tout l’intérêt de ce personnage qui a de la consistance et qui bénéficie d’une bonne écriture, l’un des points forts de ce douzième film. Rien que pour vos yeux revient à un meilleur équilibre concernant l’action, l’humour et l’intrigue, sachant impressionner le spectateur, le divertir, tout en le tenant en haleine et en suscitant chez lui de l’intérêt pour cette nouvelle histoire.


John Glen semble revenir à ses premières amours, avec l’allusion très explicite à Teresa, souvent laissée de côté, mais aussi tout le chapitre se déroulant en montagne, avec les impressionnantes courses-poursuite à ski et en bobsleigh, nous rappelant au bon souvenir d’Au service secret de Sa Majesté, premier film sur lequel le cinéaste officia. Plus de gadgets, comme la terrible gondole roulante de Moonraker, offrant souvent des portes de sortie trop faciles pour Bond, ou donnant lieu à des scènes parfois ubuesques. Rien que pour vos yeux revient aux fondamentaux, contrastant drastiquement avec son prédécesseur, laissant plus de place au développement d’éléments permettant de bien structurer le film. Un film dont sa longueur lui est parfois reprochée, mais cela dépend, comme toujours, des attentes et de l’approche de chacun vis-à-vis d’un James Bond. Car celui-ci, sans être exempt de défauts, tient largement la route, et parvient à captiver grâce à un mélange harmonieux qui opère.


On retrouve en partie ce qui avait fonctionné dans L’Espion qui m’aimait, avec un peu plus de froideur cependant, et un certain sérieux qui lui apporte de la crédibilité, sans délaisser des touches d’humour ici suffisamment bien senties pour ne jamais dénaturer le film, et fonctionnant car toujours judicieuses. Il est d’ailleurs amusant de trouver en ligne une interview (à partir de 12:05) du cinéaste Robert Bresson, dont on se dit qu’il paraît totalement opposé à ce que représente James Bond, qui clame son émerveillement envers le film : « – Des mauvaises langues murmurent que vous êtes allé voir James Bond, c’est vrai ? – Oui […] J’ai été émerveillé, parce qu’il y a une écriture cinématographique, et c’est tout ce qui m’intéresse pour le moment, parce que je ne la vois nulle part. J’ai trouvé ça magnifique, et si j’avais pu le voir deux fois de suite et y retourner le lendemain, j’y serais retourné. » C’est donc très probablement ce qui fait le charme de Rien que pour vos yeux : une bonne écriture, de l’intelligence, une vision intéressante… C’est ce qui fait, à mes yeux, de ce douzième film l’un des plus intéressants de la saga.


Critique écrite pour A la rencontre du Septième Art

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le 30 sept. 2020

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