Nous étions trois, car deux autres personnes ont préféré ne pas venir puisque c'était la séance de 22h30, aux Halles, pour ceux qui encore une fois, voudraient nous rencontrer. Je tiens tout d'abord à féliciter le cas social de soixante ans qui était pieds nus, les pieds sur une place en face, les quelques jeunes qui se racontaient leur vie car le cinéma il n'y a quand même rien de mieux pour raconter sa vie, et nous-mêmes, qui comme la moitié des personnes entrant dans la salle, avons fait la fameuse blague du "chut, il faut rentrer sans un bruit".) Par ailleurs, vous remarquerez en voyant le film que les personnages font toujours "chut" avec le doigt sur la bouche, ce que je n'ai pas manqué de faire sur le trajet du retour à une petite fille assise à côté de nous dans le train pendant que sa mère ne nous regardait pas. Alors oui, comme ça, à brûle-pourpoint, il faut éviter d'avoir vu La Chasse avant. Est-ce que l'on peut encore plaisanter ou pas ? Bon. Non mais après voilà, si vous n'aimez pas les digressions, c'est vous et votre chance.


Sans un bruit est un condensé de Alien, Cloverfield (évidemment), It comes at night, beaucoup de films de genre et Jurassic Park (pour faire plaisir à un ami). C'est peut-être d'ailleurs, outre les incohérences, le principal reproche que je pourrais faire au film. Dans l'atmosphère, dans la cellule familiale et même dans le personnage principal, le ton de It comes at night est partout. On pensera aussi The last of us, par ailleurs, pour les "monstres" et leurs bruits incessants. C'est toujours le cas quand on est un jeune réalisateur, on est bourrés d'influences et je pense que John Krasinski saura s'en défaire avec le temps. Pour continuer sur les points négatifs, si l'histoire en elle-même tient debout, le traitement en revanche souffre de grosses imperfections car les personnages sont soit pas assez inventifs, soit trop inventifs, ce qui donne au spectateur l'impression que tout ça n'est qu'un film en carton-pâte. Ce sont des bêtes qui entendent à des kilomètres, mais pas des murmures ou un souffle dans une pièce vide et silencieuse, les personnages n'ont aucune blessure aux pieds, on espère élever un bébé dans un tel endroit, on ne met aucun dispositif en place pour dévier les monstres lorsqu'il y a du bruit, et enfin ce père, héroïque mais stupide, qui aurait eu tout le loisir de se défendre ou de jeter quelque chose plus loin pour attirer la bête ailleurs - et il avait le temps, puisqu'il dit cent fois à ses enfants qu'il les aime. Tout ça laisse le spectateur un peu dubitatif.


Ce ne serait pas rendre hommage à ce film que de ne citer que ses points faibles, tant l'idée est originale (même si, bon, blac mirror, même si, bon, quelques jeux vidéos, et j'avais un exemple de film dans le train qui a fait mouche mais je ne sais plus lequel) et la tension maximale. Car si le film gagne en intensité à la fin, et qu'il est capable de nous tenir cramponné à notre siège, c'est grâce à la mise en scène qui exclue toute parole, tout son et qui met en relief les véritables moments d'angoisse. Le bruit d'un jouet devient intolérable, un vieux qui crie dans une forêt (oui, bon) devient irrespirable. Le traitement du son est très bon car l'atmosphère que véhicule le film est toujours en adéquation avec la musique extra-diégétique qui vient embraser les moments terribles du métrage.


Sans un bruit est porté par un casting impliqué et solide, avec une Emily Blunt extrêmement inspirée. Dans un film où la gestuelle et la prestance scénique prédominent, il est évident que les quatre acteurs principaux ont réalisé quelque chose d'excellent. Si la forme est plus classique que le film Hérédité, vu quelques jours plus tôt, Sans un bruit reste un moment de cinéma glaçant, qui prend le temps de prendre son temps, et qui augure surtout du très haut niveau pour la suite de carrière du cinéaste. La première scène de peur est exceptionnelle, et vous plonge dans un environnement austère et désenchanté, où le réalisateur a la subtilité de ne centrer son récit que sur une seule famille, abandonnée au milieu de nulle part, et le spectateur, complice, sait d'avance que ça tournera très mal.


Un très bon film d'ambiance, qui sans faire date, montrera le chemin du possible aux super-productions horrifiques.

Créée

le 27 juin 2018

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EvyNadler

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