Mark Watney, le Matt Gyver de l’espace
On se souviendra peut-être de l’année 2015 au cinéma comme celle du retour inespéré sur le devant de la scène de tant de réalisateurs, de studios et de franchises qui n’étaient plus au sommet de leur gloire. De George Miller et son « Mad Max : Fury Road » à Clint Eastwood avec « American Sniper », du studio Pixar et leur « Vice-Versa » au studio Aardman et leur « Shaun le mouton : le film », ils nous reviennent tous en grande forme. Et en attendant l’inratable « Stars Wars : le réveil de la Force », pourquoi ne pas se pencher sur le dernier Ridley Scott ? Car contre toute attente, il semble lui aussi mériter une digne réhabilitation avec « Seul sur Mars ».
De la science-fiction qui, en plein dans la tendance actuelle, se veut avant tout réaliste et crédible, laissant plus de place aux discours scientifiques tangibles qu’aux fantasmes technologiques à coup de pisto-laser. Un scénario-catastrophe comme celui du film pourrait d’ailleurs très bien arriver à une expédition martienne d’ici quelques décennies. Cette aventure spatiale a d’ailleurs beau durer 2h 20, elle nous plonge directement dans l’action et son rythme ne faiblit jamais, comme si Ridley avait mis ses ambitions gargantuesques de côtés pour raccourcir ce film que j’imagine bien plus long au premier montage. Il y a d’abord les personnages que le réalisateur s’efforce d’humaniser plutôt que de réellement développer, permettant l’empathie sans ralentir la narration. Même Matt, notre cosmonaute MacGyver, on ne sait pas grand-chose de lui, si ce n’est qu’il est botaniste et que sa famille terrestre semble se résumer à ses parents. Pourtant, on s’y attache au bougre, condamné à écouter des morceaux de disco en trouvant sans relâche des solutions à sa survie. Il n’y a que les événements qu’il traverse qui nous permet de nous projeter en lui, ce qui peut être frustrant puisque la profondeur psychologique est mise de côté, mais aussi redoutablement efficace.
Et c’est ce qui fait la force de « Seul sur Mars » : débarrassée du superflu, sa narration déploie un nombre impressionnant de rebondissements, souvent douloureux pour Matt et le spectateur, toujours haletants et inventifs. N’hésitant pas d’ailleurs à faire des bonds chronologiques, le récit privilégie l’efficacité avant tout, quitte à expédier quelques explications au risque de paraître incohérent, ce qu’il n’est jamais bien heureusement. Il se permet enfin quelques notes d’humours salvatrices. Evitant donc beaucoup des écueils de ses précédents films, Ridley n’oublie pas non plus de nous rappeler qu’il est un maître de réalisation : les décors sont superbes, la mise en scène irréprochable, les moments de tensions à couper le souffle. Notamment lors d’un moment suspendu en apesanteur, où la rougeur d’un câble entoure les retrouvailles entre Matt et Jessica Chastain dans l’environnement cosmique, lien physique reliant leurs esprits entre eux et leurs corps au vaisseau spatial.
Des qualités « Seul sur Mars » en a : de la maîtrise de ses acteurs (Matt Damon y est très émouvant) à celle de la narration et de la réalisation, il porte le spectateur sans jamais le laisser trébucher. Probablement le meilleur film de Ridley Scott depuis un sacré bout de temps, mais qui est aussi une œuvre lisse et sans panache cinématographique. Le constat est sans appel : s’il nous rappelle enfin qu’il peut réussir un film de bout en bout, Ridley montre aussi son incapacité à offrir une œuvre unique, durablement marquante comme il le faisait au début de sa carrière.
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