Soul
7.4
Soul

Long-métrage d'animation de Pete Docter et Kemp Powers (2020)

2020 fut une année très rude pour le cinéma, et Soul, le dernier-né des studios Pixar, promettait d’être un rayon de soleil au cœur de cette immense dépression. Un petit miracle qui survint le jour de Noël, cadeau idéal pour retrouver le sourire.


Joe vit pour la musique, et pour le jazz, en particulier. Un milieu qui ne lui a été que peu favorable en comparaison avec la dévotion qu’il a envers son art. Quand la chance lui sourit enfin, c’est le drame, et Joe découvre un univers d’apparence fantastique, peuplé d’âmes et de rôles de manifestations dans un monde éthéré. C’est l’occasion pour le spectateur de découvrir un univers riche et surprenant, notamment composé d’un monde d’après, où s’en vont les âmes des défunts, d’un monde d’avant, où les âmes des nouveaux-nés se déversent sur Terre, et d’une zone où se côtoient des âmes parvenant à se transcender ou, au contraires, d’âmes égarées.


Soul impressionne alors d’emblée par la beauté visuelle dont il fait preuve. On connaît Pixar pour sa capacité à illustrer et à donner vie à des concepts souvent abstraits, comme les humeurs et les recoins de l’âme d’une enfant dans Vice-Versa (2015). On pense aussi à Coco (2017), qui nous faisait voyager dans le monde des morts, à travers la célébration des morts, très importante dans la culture mexicaine. Dans Soul, Pixar reprend la trajectoire déjà prise auparavant dans Vice-Versa, avec cette exploration ludique et pédagogique de ces lieux étranges et fascinants, peuplés d’entités diverses et surprenantes, à l’image de ces personnages cubistes qui gardent les lieux. Soul est un film d’une richesse impressionnante, aux possibilités multiples, associant imaginaire et réalité, rationnel et irrationnel, dans un périple initiatique dont la destination n’est pas forcément celle imaginée.


A travers ses aventures et mésaventures avec 22, âme incapable de trouver le sens à son existence, lui permettant de rejoindre la terre, Joe découvre ce qui façonne une âme et ce qui l’anime, voyant le monde et sa propre existence sous des perspectives différentes, pour le mener à remettre certaines choses en question, malgré son obstination. Comme à leur habitude, les studios Pixar ne manquent pas de savoir jouer la carte de l’humour avec justesse pour amuser le spectateur, ce qui permet de compenser des passages plus explicatifs et parfois plus complexes. Il va sans dire que le savoir-faire de Pixar reste unique dans cette capacité à retranscrire des émotions, à façonner et à animer ses personnages de la bonne manière pour décupler la puissance d’une scène et transmettre le bon message au spectateur. Des rues de New York aux étendues désolées de la zone, tout finit par constituer un ensemble foisonnant et poétique où se dessine peu à peu le sens de la vie.


Souvent décrit comme étant relativement « adulte », Soul semble en effet s’adresser à un public plus âgé que d’habitude, même si l’universalité de son propos lui permet bien sûr d’être capable de toucher tous les âges. Sa grande force réside sans sa capacité à partir d’un postulat et à le remettre en question, tout en faisant preuve de subtilité et d’intelligence dans son propos, invoquant ici la vocation et la passion comme des choses galvanisantes pour l’âme d’après une vision selon laquelle nous vivons dans un but précis, pour en illustrer les limites.


Ce sera l’image d’un coiffeur qui s’émeut de voir un de ses plus fidèles clients le voir enfin s’intéresser à lui plutôt qu’au jazz, ou d’une part de pizza que l’on savoure comme si c’était la première. Le retour à l’essentiel, au simple, à ce qui anime chaque instant et que l’on tend à ignorer pour des choses prétendument plus importantes. La simplicité, comme toujours chez Pixar, est au cœur de tout, dans sa beauté mais aussi, paradoxalement, dans sa complexité. Aucun doute, Soul touchera votre âme et fait beaucoup de bien par les temps qui courent, et on regrette grandement de ne pas avoir eu la chance de pouvoir le découvrir sur un grand écran.


Critique écrite pour A la rencontre du Septième Art

JKDZ29
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le 13 févr. 2021

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