Après avoir révélé son style dans “Arnaques, crimes et botanique”, puis le séduisant “Snatch”, Guy Ritchie s’est embourbé dans une multitude de superproductions qui frôle le ridicule et la parodie. Et dans ces allers-retours techniques, il a tout de même su insuffler une certaine attente chez un public qui apprécie le rythme effréné et pourtant saccadé par une narration intuitive. On l’aura compris, du pur Ritchie au rendez-vous, mais cela valait-il le coup de revenir sur ses pas aussi soudainement et avec une modeste contribution ? Son vagabondage à Hollywood l’a dépaysé et on ressent un profond désir de replonger dans un sujet plus primitif et qui est longtemps resté dans un tiroir… trop longtemps. À l’heure où l’humour raciste, antisémite, sexiste et autres fourberies cherchant à marier l’élégance d’une classe sociale à part, mais au-dessus du lot, et des bandits en quête d’influences font bonne fortune, une certaine démarche n’emploie pas la bonne formule.


L’ensemble de l’œuvre repose sur des échanges sur le plan dominant-dominé et s’est construit un rythme sur les divers rebondissements et twists présentés. Mais cette démarche a ses limites, car les enjeux se renouvellent trop souvent et cela enlève de l’énergie à toute cette mascarade ou ce braquage spirituels. Même s’il peut nous arriver de jubiler devant quelques passages étonnamment divertissants, on ne peut totalement entrer en symbiose avec ce film, qui ressemble davantage à une réplique de mauvais goût, alors que l’auteur lui-même est derrière ce projet. Néanmoins, tout n’est pas à jeter et c’est bien entendu sur le casting qu’on peut se rattraper. Michael Pearson (Matthew McConaughey) est le roi d’un trafic illégal, bien que l’on suppose un plan ambitieux à long terme. Ceci ne fait que refléter l'absurdité de la chose bien entendu, mais il faudra accepter le plaisir qui vient à nous. Et son interprète dégage toujours une aussi bonne impression, qu’il y a de conscience sur le papier.


Mais tout le mérite revient au narrateur principal, au discours méta et parfois désinvolte du cinéma d’aujourd’hui. Fletcher (Hugh Grant) s’empare de l’écran et écrase la concurrence niveau débit de parole. Et il fallait un style graphique afin de caractériser toute la fantaisie de son dialogue, à la fois complexe, séduisant, mais sournois. De ce côté-là, on ne regrette pas le retour de Ritchie aux commandes et il se révèle plus à l’aise dans cet exercice que dans celui de rester cohérent dans sa mise en scène. De plus, il cherche de l’appui sur des références cinéphiliques, mais il préfère s’abandonner à l’autodérision au lieu de pleinement embrasser son humour « So british ». Trop de pétards mouillés pour une intrigue qui confrontent différents points de vue d’un même récit. Au final, la temporalité est zappée en échange d’une balade que l’on soupçonne chaotique, bien que ce soit fluide dans les transitions.


Ainsi, on devine le devenir de “The Gentlemen”, qui résonnera comme anecdotique, car il n’a pas toujours su trouver la justesse pour nous inviter à son fish & chips saignant. Mais c’était un plaisir de revoir Charlie Hunnam, Colin Farrell, Henry Golding et Jeremy Strong s’accrocher à un sujet volontairement vulgaire et ironiquement inadéquat avec un titre, tenant plus d’un symbole de sainteté qu’aucun homme n’aura le courage de porter. Hommage à Michelle Dockery, qui enfile parfaitement la robe d’une première dame imposante et forte dans un milieu testostéroné. Et que retenir ? Des dialogues globalement savoureux, si l’on retire la vulgarité gratuite et souvent hors de propos, un montage nerveux et ludique, au détriment d’une lecture en flash-back à en perdre de la visibilité, notamment dans les scènes d’action et à l’image d’un clip qui s’est mystérieusement inséré dans le récit, nous restons dans l’esprit décadent d’un Ritchie en forme, mais qui devra rapidement effacer ses maladresses pour enfin rebondir sur un nouveau mythe plus équilibré.

Cinememories
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le 11 févr. 2020

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