Les deux Anderson font du grand cinéma américain, mais ont l'air d'avoir bien du mal à se renouveler, de décrocher de leur petit chemin. L'un indie-jaune pisse-fibre comique particulière, l'autre acteur géant-épopée-reconstitution-bruit de tambours.
The Master est formellement sublime. Je ne sais pas si c'est le changement de caméra ou la magouille en post production mais le grain et la couleur de certain plan, conjugué au travail d'orfèvre qu'est la composition picturale de Paul T. Anderson, éblouissent. Les séquences sur le yacht (cette trainée d'eau !) et dans le désert en particulier. C'était déjà le cas dans ses précédents films vous allez me dire ? Oui mais là j'ai l'impression que techniquement c'est poussé encore plus loin.
Du reste on est dans le schéma classique qu'il maintient depuis l'excellent Boogie Nights (Magnolia je le renie). Un acteur qui se déchirre et qui illumine le film, un faire valoir comme béquille. Plus un fond sonore récurrent.
Joaquin Phoenix remet les pieds dans le plat après 4 ans d'absence et sa simulation de paralysie faciale plus son application à reproduire le bossu de Notre Dame montre bien qu'il est l'un des tout meilleur comédien américain du moment. Philip Seymour n'est pas en reste, mais je l'ai toujours trouvé, dans chacun de ses films un peu identique, bon dans sa tranquilité, puissant acteur classique dirons nous. La construction suit à peu de différences prés celle de There Will be blood, cela apparait flagrant sur le final.
Mais dans There Will Be blood il y avait un aspect survie/épique qui permettait au film de se transcender et de scotcher 3h durant, dans The Master qui est pourtant plus court on a pas mal de séquences à proprement parler, chiantes (l'amourette, le travail du mur). On alterne entre turgescence visuelle et narrative du feu de dieu et mi-molle.
Bref pas mal de recyclage, pour un film qui laisse un goût amer tout en débordant de qualités inhérentes aux films d'Anderson. Il manque un chouïa de poudre dans ce canon. Ce supplément de substance (je dirais pas d'âme puisque Popole sans atteindre un point de vue clinique a toujours été assez froid dans son traitement des personnages) qui lui aurait permis de marquer une empreinte définitive et surtout, surclasser ses ainés.