Mon petit Alistair, je vais stopper ton abonnement aux Inrocks, le temps que tu te laves le cerveau

Voilà typiquement le film que j'aurais aimé défendre, que j'ai abordé avec gourmandise, persuadé qu'un tel titre, beau et lourd de sens (référence à "L'Odyssée") faisait montre d'une réelle ambition, et dont je sors énervé, un peu en colère même.

Les premières minutes donnent une certitude : on va voir du vrai cinéma. Les plans sont d'une beauté saisissante, soulignés par une photographie remarquable (que l'on doit à Jody Lee Lipes qui a confirmé depuis avec le magnifique "Martha Marcy May Marlene" - http://www.senscritique.com/film/Martha_Marcy_May_Marlene/468143 ), le son absorbe le spectateur, tellement bien travaillé qu'il en devient quasiment un personnage du film.

Cette immersion dans la nature, dont la dualité est mise à nue par la mise en scène, tantôt sauvage à la manière d'un Boorman dans "Délivrance", tantôt porteuse de vie et de pureté, comme chez Malick, est intrigante, effrayante.

Il ne faut que quelques images pour avoir en têtes deux références majeures, et c'est à partir de là que tout a dérapé dans mon approche du film. Ok pour les influences, chaque cinéaste, le plus doué soit-il, en a et quand elles sont de cette envergure, tous les espoirs sont permis. Mais quelques plans plus tard, on est obligatoirement renvoyé au "Stalker" de Tarkovski, puis une minute après à Weerasethakul. Me voici donc exclu du récit, passé du statut de spectateur à celui de joueur-cinéphile, et par la même le film passé d'expérience cinématographique passionnante à passe-temps ludique.

Quasiment aucun plan n'échappe ainsi à une sorte de blind-test géant, ici Zviaguintsev, ici Roberto Caston, là Sokourov *...

Attention, si personnellement j'ai trouvé que le film était broyé, écrasé par ses références, il n'en demeure pas moins que je conseille vraiment de le voir, d'une part parce qu'il s'agit d'un véritable objet artistique, et d'autre part car les défauts que je pointe ne peuvent qu'engendrer le débat, sans compter les discussions de fond qu'il devrait soulever, au même titre qu'un "The Tree of life", en particulier autour de son allégorie religieuse (ou non).

* La comparaison avec Sokourov n'est pas uniquement formelle, le récit renvoyant au "Mère et fils" du maître russe.
takeshi29

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