Quand le réalisateur se bonifie en n’oubliant jamais sa patine

On s’attache tout d’abord aux personnages principaux.Une coiffeuse prénommée Suze et souffrant d’une maladie incurable qui va la faire revoir ses priorités.Monsieur Cuchas,génie de l’informatique brillant et incompris, dont la tentative de suicide sera pourtant un sursaut.Monsieur Blin, aveugle clairvoyant, casé dans un local des archives pas éclairé ( voir la remarque du con qui l’emploie...). Comme souvent chez Dupontel, le rassemblement de personnages aux antipodes les uns des autres, c’est la première étincelle créative pour mettre en orbite son histoire.L’acteur/réalisateur, en faisant aussi ce grand écart entre le tragique et l’espoir ( l’annonce d’une maladie incurable n’allant pas empêcher Suze d’accomplir sa quête) choisit de disperser les balises pour que le spectateur les assemble. Il faut aimer réfléchir, ne pas être guidé dans un récit linéaire et comprendre le tempo imprimé par Albert Dupontel.Pour ma part, j’estime qu’il condense en moins d’une heure et demie un abattage incroyable d’idées et de situations.Preuve qu’il s’est bonifié dans l’exposition sans oublier sa patine percutante et nuancée.Ce qui m’a surpris ici, c’est que l’émotion supplante quand même le rire, que le déjanté passe après la vérité implacable du moment. Deux scènes magnifiques témoignent de cet état de fait ( celle où le gynécologue retrouve sa femme et un souvenir si précieux; puis celle de l’ascenseur où Suze rappelle la nécessité de dire je t’aime). En dissonance,Albert Dupontel croque avec maestria et de façon décomplexée les cons et les sentiments qui les animent.Assez logiquement, le réalisateur tire à boulets rouges chez ceux qui ont une forme de pouvoir. Le trait est mordant et ces costards- cravate sans pli étalent toute leur bêtise sans vergogne.Le titre du film, Adieu les cons, montre aussi tout le chemin que Suze et Cuchas ont fait du début à la fin du film.D’une déprime aquoiboniste au manifeste, leur révérence aux cons et à leur connerie sera cinglante car inattendue.Et là encore, Dupontel ne se vautre pas dans le consensuel et ne lâchera pas les convictions intimes de ses personnages jusqu’au bout. Du grand cinéma pour sûr ne cherchant pas l’adhésion ultime mais une VRAIE tonalité qui fait du bien!

Specliseur
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le 22 oct. 2020

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