Voilà un film, si on peut appeler cela un film, qui va en laisser beaucoup sur le carreau. On sait Édouard Baer adepte d’un cinéma particulier depuis qu’il a coiffé la casquette de réalisateur (mais en total accord avec l’homme et l’acteur). Avec « Adieu Paris », il pousse le curseur de l’originalité encore plus loin, laissant son humour décalé à moitié de côté, pour une sorte de déclaration d’amour aux acteurs en forme d’essai introspectif au rire amer. Un film de cinéphiles ou destiné à ceux qui aiment ces grandes et vieilles pointures du cinéma français. On pense un peu à Bertrand Blier à la vue de cette drôle de réunion pour le moins surprenante en tous points. Si, au début, on pensait que les acteurs allaient jouer leur propre rôle et bien il n’en est rien et c’est plutôt surprenant et amusant à l’instar du concept de ce déjeuner pas comme les autres. Cette réunion entre amis, intitulée « Les amis de Yoshi », on en trouve le déroulé quelque peu bizarre et trop décalé au début; mais l’affaire prend tout son sens ensuite.
On ne va pas faire l’inventaire de la distribution. Elle est royale et c’est tout le patrimoine du cinéma français masculin qui se retrouve à cette table. Mais quelques dames viennent féminiser tout cela et on aurait aimé que ce dîner soit mixte de manière à élargir le champ des possibilités et non par désir d’équité, car c’est juste du cinéma. Rien que de les voir réunis, on se délecte et on remercie Baer de les avoir appelés et même à en avoir fait sortir certains de leur retraite. On voit bien que les dialogues semblent un peu improvisés et c’est ce qui fait le charme de ces échanges autour d’une bonne bouffe et de bonnes bouteilles. Ils prennent un plaisir fou à échanger des banalités ou des choses plus profondes. Et on se régale autant qu’ils se régalent. Mais le souci vient plus que tout cela est inégal, certaines séquences étant amusantes et drôles tandis que d’autres se révèlent plus chiantes et vraiment dispensables. C’est le propre de ce type d’ovni cinématographique osé et original mais, il faut l’avouer, parfois aussi défaillant.
Heureusement, « Adieu Paris » a le mérite d’être court et de ne pas laisser le spectateur conquis s’ennuyer tandis que les autres auront déjà quitté la salle. Baer n’a pas beaucoup travaillé l’image comme à son habitude, se contentant de filmer son repas par-dessus la jambe. Ce côté approximatif colle plutôt bien au sujet alors on ne lui en voudra pas. On regrette que le grand Depardieu, encore une fois impeccable dans ces monologues et sa dégaine lassée, n’atteigne jamais cette tablée. Et on retient surtout la belle mélancolie de Jackie Berroyer ainsi que la prestation étonnante de Bernard Murat, le moins connu de tous. Pour l’humour, c’est Jean-François Stévenin qui tient la dragée haute. Le rôle de Poelvoorde est le moins emballant et le comédien est en surchauffe. On sort du film comme après un bon dîner : en digestion intellectuelle mais persuadé d’avoir vu quelque chose d’un peu improvisé et boiteux mais rare. Et surtout avec une petite nostalgie inexplicable en bouche...
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