La saga Alien fait partie des monuments du cinéma et d’une référence absolue dans le domaine de la science-fiction. Elle comporte son lot d’avis divergents et de débats parmi ses amateurs et n’en finit pas d’influencer la culture populaire ainsi que les multiples dérives cinématographiques, jeux vidéo, bande dessinée de l’univers "Horror/SF". Malgré une saga en montagne russes et de multiples avis en tout genre, il me semble intéressant de revenir sur la célèbre quadrilogie film par film. À mon sens, ce qui est fondamental à avoir en tête avant de se lancer dans la saga Alien est de comprendre que chacun des quatre films sera une profonde expression de son réalisateur. Nous sommes face à des œuvres ayant été accouchées par de véritables auteurs ayant chacun apporté leur vision et leurs spécificités à la mythologie du xénomorphe.
Cette critique fait suite à celle sur le premier volet que vous retrouverez ici :
Alien : https://www.senscritique.com/film/Alien_Le_8eme_Passager/critique/116712996
Alien 3 : https://www.senscritique.com/film/Alien_3/critique/116713044
Alien : Resurrection : https://www.senscritique.com/film/Alien_La_Resurrection/critique/116713057


Aliens (ou Aliens : le retour en VF) arrive donc en 1986, soit sept années après le triomphe commercial et critique que reçu Alien : Le Huitième Passager. James Cameron avait à l'époque déjà approché une première fois le studio pour proposer de mettre en scène un "Alien 2", c'est suite au succès de Terminator (1984) qu'il aura le feu vert pour lancer la production du projet. S'il est au départ question de proposer une histoire indépendante sans le personnage de Ripley, il en est vite décidé autrement afin de ne pas tomber dans la série de films d'horreur basique à rallonge. Cameron veut proposer un métrage très différent de son prédécesseur, mais sait aussi qu'il n'a pas le droit à l'erreur, le premier film étant dès lors déjà culte. Après plusieurs mois de réécriture, le scénario est validé et proposera un tournage aux défis conséquents mais aussi ponctués de problèmes d'ententes dans l'équipe. Entre Sigourney Weaver, fervente militante contre le port d'arme aux U.S.A., se retrouvant face à un scénario comprenant une omniprésence d'armes en tous genres ; et Cameron, considéré comme un tyran sur le plateau, et haï par l'équipe de tournage anglaise qui ne supporte pas de le voir s'approprier l'univers de Ridley Scott, il ne fait aucun doute que l'ambiance de tournage devait être tendue.*


Aliens nous expose le récit suivant (ce qui suivra par la suite sera du spoiler donc libre à vous de faire ce que vous en voulez) :
"Après 57 ans de dérive dans l'espace, Ellen Ripley est secourue par la corporation Weyland-Yutani. Malgré son rapport concernant l’incident survenu sur le Nostromo, elle n’est pas prise au sérieux par les militaires quant à la présence de xénomorphes sur la planète LV-426 où se posa son équipage… planète où plusieurs familles de colons ont été envoyées en mission de "terraformage". Après la disparition de ces derniers, Ripley décide d'accompagner une escouade de marines dans leur mission de sauvetage... et d’affronter à nouveau la bête."
Je tiens également à souligner que je me base sur la version longue de 1992 que Cameron estime comme la version la plus aboutie du film. Je suis plutôt d'accord tant je trouve qu'elle corrige les défauts du montage cinéma et sublime le métrage.


Rien qu'au synopsis, il ne fait aucun doute que nous aurons affaire à un film très différent de son prédécesseur. Ripley se réveille donc 57 années après les événements d'Alien. Elle sera notre seul repère dans ce milieu plus futuriste où tout a évolué. La fameuse "compagnie" porte maintenant un nom (et plusieurs visages) : la "Weyland-Yutani". Très vite Ripley apprend que sa fille (Amanda Ripley) qu'elle avait laissée sur Terre est décédée deux années avant son réveil et que celle-ci n'a pas eu d'enfants. Cela pourrait sembler anodin mais ce détail est bouleversant pour la jeune femme. Cela symboliserait qu'Amanda en a tellement voulu à sa mère de l'avoir abandonné qu'elle a refusé de donner la vie et de reproduire cet échec. N'ayant plus aucun point de repère, elle décide de finalement accepter la proposition de Burke et de se rendre sur LV-426 afin de potentiellement y affronter sa plus grande peur. Ses nuits n'étant plus que cauchemars et insomnies, elle veut alors se confronter à l'abomination ayant décimé son équipage et étant responsable de son sommeil prolongé et donc de ne pas avoir pu revoir sa fille. Comme elle le demandera à Burke, "le but est bien de les détruire, pas de les étudier?". Le message est clair, elle part en guerre. Ripley est un personnage profondément attachant. C'est à mon sens dans ce second volet que celle-ci prend son envol, subit l'évolution qui rendra le personnage culte auprès du public. Là où Scott ne la traitait pas comme une héroïne c'est différent ici. Nous la connaissons déjà, elle s'est battue pour sa condition de femme dans le premier volet et s'émancipe encore plus ici. Elle est la figure héroïque la plus importante du métrage mais n'est à mon sens jamais exagérée. La différence avec le premier film est qu'ici elle connaît déjà le danger mais doit se reconstruire et c'est en meneuse d'hommes qu'elle finira par s'élever. En fait ce qui frappe directement ce sera son image de femme forte (il faut dire que James Cameron sait y faire dans le domaine) mais surtout sa profonde humanité et sa sincérité (Sigourney Weaver campe le personnage comme jamais ici). Nous reviendrons évidemment sur cela plus tard quand il sera question d'aborder la reine alien et le thème de la mère.


Le film met en scène une équipe de marines américains arrivant sur place menés par les indications de Burke et les connaissances de Ripley. S'ils peuvent être vus comme une simple bande de rigolards lourdingues en début de film, il en est tout autrement une fois l'action lancée. Cameron fait ici un parallèle évident avec la guerre du Viêtnam. Ce conflit a beau être terminé depuis une dizaine d'années à la sortie de Aliens, il n'en reste pas moins que les Américains ont été profondément marqués (il suffit de voir le nombre de films produits sur le sujet). Arrivés sur le terrain sûr d'eux, les soldats ont en effet vite perdu leur fierté pour faire face à un ennemi ne possédant pas leur technique mais leur infligent un grand nombre de défaites sanglantes. Beaucoup d'Américains subiront de lourds traumatismes suite à cette guerre. Aliens propose le même type de développement. Si au début nous pouvons éprouver une certaine aversion, voire du rire, face à ces marines clichés (certains semblent même peu développés intellectuellement parlant), il en sera différent une fois le combat engagé. Les soldats se verront vite dépassés par la menace xénomorphe à laquelle ils n'étaient pas préparés. Si l'on se base sur le fait que l'alien soit une figure presque divine dans le premier film cela a du sens, il dépasse tout ce que l'Homme connaît et garde cet aspect sexuel de créature adepte du viol. C'est ainsi qu'en une seule séquence arrivant après plus d'une heure de film (le temps de laisser s'installer la tension), les marines se verront décimés et surpassés par une force et des concepts qu'ils ne maîtrisent pas. Certains s'en verront complètement désarçonnés psychologiquement comme le personnage d'Hudson (Bill Paxton). Ce paradoxe est très intéressant et intelligemment exploité d'autant que Cameron nous offre en plus son lot de personnages instantanément cultes : Bishop (Lance Henriksen), Vasquez (Jenette Goldstein), Hudson ou bien encore le légendaire caporal Hicks (Michael Biehn),... Malgré l'aspect rebutant que peuvent avoir certains de ces personnages, il en ressort finalement des protagonistes attachants et étonnamment humains par moments.


Si nous devions parler des aliens, ils ont également évolué depuis le film précédent. Le budget étant largement supérieur, les designs ont pu être modifiés et les créatures multipliées. H.R.Giger prendra d'ailleurs très mal le fait que Cameron ne le recrute pas sur le projet mais le cinéaste étant lui-même concept designer, il se voyait mal ne pas inclure son savoir-faire et sa créativité à la mythologie xénomorphe. Les monstres sont plus nombreux mais, contrairement à une croyance populaire voulant que le film les montres trop, restent dans l'ombre et sont toujours aussi menaçants voir plus. Les déplacements des créatures se veulent beaucoup plus permissifs et rapides.
Il en va de même pour le "facehugger" (la créature arachnéenne sortant des oeufs) qui se veut extrêmement mobile proposant une séquence glaçante avec Ripley et Newt. Burke veut en effet se servir des 2 femmes pour en faire des cocons destinés à revenir sur Terre avec les embryons. Ce personnage symbolise cette compagnie obsédée par le profit, prête à tout même au pire pour obtenir bien de cause. Comme le clamera Ripley : "Vous savez Burke, je crois que vous êtes pire que ces créatures, eux au moins ils ne s'entre-tuent pas pour un meilleur pourcentage". L'Homme reste la pire espèce de l'univers, cherchant toujours à jouer avec le feu divin en dépasser les limites de la connaissance à de mauvaises fins.


Tout cela nous mènera à constater que les aliens fonctionnent sous la forme d'un esprit de ruche. C'est ainsi que Ripley sera menée à la rencontre de la reine alien en fin de film, il s'agit de la scène clé du long-métrage. La bête est prouesse technique née du légendaire studio créateur d'effets spéciaux de Stan Winston et des directives de Cameron. Il en ressort l'un des plus beaux monstres de l'Histoire du Cinéma. La reine évoque un symbole primordial au film, celui de la mère. Pour Ripley, sa relation avec Newt est un moyen détourné de se racheter de l'abandon involontaire de sa fille. Newt se liera à Ripley du fait que justement elle ait également vécu le traumatisme de la perte d'un proche (ses parents et son frère dans le cas présent). La reine alien, en plus de proposer une réponse aux origines des xénomorphe, nous offre la possibilité d'un face-à-face aux références mythologiques multiples entre deux mères. C'est en mettant feu au nid d'oeuf d'aliens que le personnage de Sigourney Weaver se révoltera contre le mal la rongeant, mettant un terme à ses souffrances et reprenant le contrôle de sa féminité. Détruire les enfants de l'abomination est une sorte de rédemption alors qu'elle ressort ensuite d'un enfer symbolique représenté par cette ruche xénomorphe. Le tout se terminera dans un affrontement épique et culte où Ripley combat le monstre à bord d'un robot de chargement. Elle affronte la créature, sorte de symbole de la mauvaise mère qu'elle a le sentiment d'être à cause de la perte de sa fille. Le combat est physique mais propose une résonance mentale. Ripley finira par vouloir envoyer la reine alien dans l'espace à travers un sas de sécurité. Cependant, cette dernière s'accrochera à la jambe du protagoniste alors que le vide spatial manque de l'aspirer. Ce serait le dernier symbole de la détermination mental de Ripley pour se prouver qu'elle n'est pas une "mauvaise mère". Alors que toutes les dernières choses de son univers sont prêtes à s'envoler dans l'immensité spatiale (Newt, Bishop,...), celle-ci réussi faire tomber le monstre et à refermer le sas. C'est alors que Newt la prendra dans ses bras en l'appelant "maman". Ce terme peut sembler sorti de nulle part, mais est en fait le résultat réussi d'un long cheminement. Le personnage de Sigourney Weaver vient de détruire ce qui symbolisait toute sa culpabilité, elle achève ainsi sa reconstruction de la plus belle et la plus émouvante des manières.


Aliens a beau être très différent du premier film, il n'en reste pas moins absolument complémentaire. Ridley Scott avait décidé de rester avant tout sur l'ambiance et de suggérer la créature plutôt que de la montrer, ce n'est pas un réalisateur habitué spécialement à l'action surtout à l'époque. Cameron, lui, est un cinéaste d'action et de mouvement. Celui-ci a pour habitude de tout montrer à l'inverse du premier, mais c'est finalement un cheminement d'évolution logique pour cette saga débutée en 1979. Aliens est une oeuvre d'une immense richesse et ce à tous les niveaux (accessoires, costumes, séquences, effets spéciaux, décors, acteurs, réalisation, éclairages,...). Il s'agit à mon sens d'une oeuvre encore plus désespérée et terrifiante dans ses symboliques que le premier film (je sais que l'on ne sera pas d'accord, sachez que je n'estime pas un film meilleur que l'autre). Cameron a réussi à s'approprier l'oeuvre de Scott tout en le modifiant de sa plus profonde expressivité, si bien qu'il est difficile aujourd'hui de dire que la mythologie Alien n'appartient à un seul de ces cinéastes. C'est chef-d'oeuvre de science-fiction horrifique absolument centrale à la saga et au monde du cinéma ayant influencé un beau nombre d'oeuvres cultes par la suite comme son prédécesseur.


Nous sommes face selon moi au meilleur film de James Cameron et à un monument absolu de cinéma.

Créée

le 1 avr. 2020

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