Voici l'un des chef d'oeuvre du néo-réalisme italien : Allemagne année zéro, réalisé par le légendaire Roberto Rossellini.


Nous allons ici nous intéresser à un film appartenant à ce que l'on appelle le néo-réalisme italien. Il ne s'agit pas d'une période ou d'un genre cinématographique mais bien d'une conception du cinéma se fondant sur de nouvelles techniques dans ce milieu précis. S’il fallait définir cette dite conception nous pourrions assez simplement réduire cela à «un concept prônant la représentation du réel à l'image » mais il est important de connaître les détails d'un film de ce type pour bien comprendre cette approche particulière du cinéma. Nous sommes en effet confronté à plusieurs nouvelles notions et thèses sur lesquelles nous allons nous attarder dans ce qui suit sous forme d'une analyse/critique rapide.


Dans cette idée nouvelle d'analyser au plus juste la réalité, un concept majeur prend place dans cette nouvelle conception du cinéma : le tournage en extérieur. En effet à cette époque, et depuis un certain temps, les films étaient exclusivement réalisés en studios, ce qui implique par conséquent la fabrication de décors spécifiques. Ici il en est tout autrement, les réalisateurs vont sortir de ces conditions pour filmer des décors réels, ce qui va directement être remarqué par les spectateurs de l'époque. Tout va sembler présent et réaliste à l'image. Roberto Rosselini, considéré comme l'un des plus grands réalisateur du mouvement néo-réaliste, va parfaitement saisir cette notion en l'appliquant dans plusieurs de ses films dont celui sur lequel nous nous intéressons ici : Allemagne année zéro.
Le film a été tourné à Berlin très peu de temps après la fin de la Seconde Guerre Mondiale ce qui permet donc aux spectateurs de constater l'état déplorable du territoire suite à ces violents et tragiques événements. Les rues sont parsemées de gravas en tous genres venant des nombreux immeubles détruits et jonchant encore les routes. Une grande partie du peuple allemand vit dans la pauvreté et Rossellini nous montre comment ces derniers devaient se débrouiller pour subvenir à leurs besoins, il dénonce leurs conditions de vie qu'il juge déplorables. Nous sommes face à un cinéma moraliste ayant pour cause les traumatismes causé par la guerre. En abandonnant les studios pour filmer à l'extérieur, ce long-métrage va refléter un certain regard documentaire (finalement on retourne quelque-part à la logique documentaire des Frères Lumière). En effet le spectateur se retrouve presque devant un film informatif sur l'Allemagne d'après-guerre ce qui va le faire réfléchir sur toutes ces périodes de troubles entraînées par la deuxième Guerre Mondiale. Cela implique également que les décors ne sont pas spécifiquement travaillés à l'avance. La météo peut par exemple influencer une journée de tournage comme il en fut le cas lors d'une scène de pluie du film Le Voleur de bicyclette de Vittorio de Sica (grand réalisateur du mouvement néo-réaliste italien) sorti en 1948 également. Pour rendre les environnements choisis encore plus réalistes, les acteurs sont en général des « messieurs et mesdames tout le monde » vivants dans les lieux exposés à l'écran.


Les acteurs incarnent à l'image ce qu'ils sont, à savoir des gens normaux vivants dans leur environnement. Cette idée s'applique à tous les personnages du récit, y compris le personnage principal. Dans Allemagne année zéro il n'y a pas de bons et il n'y a pas de mauvais, il y a juste des gens. Cela nous permet de faire un rapprochement avec une autre notion importante du néo-réalisme italien : l'abandon du héros au profit d’une mise en scène de l’individu du quotidien. L'histoire présentée par Roberto Rossellini va surtout mettre en avant le personnage d’un petit garçon, Edmund Kholer, face à la dure vie de l'Allemagne d'après-guerre. Il n'est pas présenté comme un gentil ou un méchant, juste quelqu'un qui va agir selon des règles et selon ce qu'il entend.


Lui qui aidait sa famille tout au long du film à subvenir à ses besoins finira par tuer son père suite aux conseils d'un ancien instituteur nazi puis par se suicider du haut d'un toit.


Il n'agit pas pour le bien ni pour le mal il va agir à simplement à sa façon, sa manière de penser et de voir les choses. Il n'y a pas vraiment de récit, ce qui mène à un certain abandon de l'histoire elle-même. Le personnage d'Edmund représente une façon de penser du contexte historique ce qui encore une fois va symboliser cette course au réalisme le plus parfait tout en désignant une certaine critique de la guerre et ses conséquences.


Nous pouvons en conclure que le néo-réalisme italien produit un cinéma sur le thème de la vie quotidienne populaire relative à la réalité tout en apportant parfois un message moralisateur sur le traumatisme de l'après-guerre ainsi que de la guerre elle-même.
Roberto Rossellini nous livre ici l'un de ses plus grands chef d'oeuvre. Une oeuvre cinématographique parfaite en tout point que l'on regrettera d'être si courte tant sa claque est immense à chaque visionnage.

Créée

le 15 mars 2020

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